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ARMÉE Dans une vaste pièce de la prison de Minieli, j ’aperçus une centaine au moins de jeunes fellahs accroupis par groupes. Je demande quels sont les méfaits de ces jeunes criminels et j ’apprends que j ’ai devant moi de jeunes conscrits qui attendent en prison qu’on les conduise au Caire. On ne les laisse pas sortir de peur qu’ils s’échappent. J ’ai déjà parlé du recrutement en Egypte, j ’en dirai encore quelques mots. Quand le gouvernement a besoin de soldats, il écrit aux mudirs avec ordre de lui fournir un certain nombre de jeunes gens de 15 à 18 ans. Ceux que j ’ai vus avaient une piteuse mine ; ils ne quittaient pas de l ’oeil un grand diable d’Aibanais qu’ils paraissaient craindre beaucoup. Comme je les trouvais chétifs, maigres et surtout très-jeunes, on en fit lever un qu’on me permit d’examiner. Il paraissait fort et vigoureux, il avait de larges épaules, une large poitrine, mais c’était le seul qui parût aussi bien constitué. Ces malheureux doivent servir un temps indéterminé; ils ont l ’air d’un véritable troupeau. Très-certainement, il y emaqui n’ont pas plus de treize à quatorze ans. Sur quoi d’ailleurs se baserait- on pour avoir leur âge, il n’y pas d’état civil en Egypte, La conscription se répète quelquefois à quinze jours d’intervalle, le gouvernement force le contingent à fournira sa guise. Du temps deMéhémet-Ali, pour avoir des soldats, le vice roi faisait entourer les villages par des Carras et des Bédouins, et pendant la nuit on surprenait les jeunes gens. Après examen du médecin, on renvoyait ceux qui n’étaient pas propres au service. Les jeunes fellahs ont en horreur l ’état militaire, et il n’est pas de mutilations qu’ils n’inventent pour s’en affranchir. Ainsi ils se coupent, tantôt l ’index, tantôt le pouce de la main droite ; ils se crèvent quelquefois un oeil, etc., etc. ; Le 27 décembre 1861, je vais à la caserne de Casernil, au Caire. Cette caserne est placée autour du palais du vice-roi. Les officiers comme les soldats, sont logés dans la caserne, et il ne leur est pas permis d’en sortir sans autorisation. Les soldats ne l’obtiennent jamais, aussi sont-ils toujours renfermés. Quant aux officiers, ils sortent en secret. Il y a pour cela une sorte de tolérance de la part du lieutenant ou du sous-lieutenant placé à la porte du bâtiment. Le pacha, qui ne va qu’une fois par an dans son harem, s’occupe constamment de son armée; c’est lui qui punit. Un officier ne peut imposer à ses soldats que deux à trois jours de prison. Pour les peines plus graves, c’est le pacha seul qui ordonne, aussi les officiers ont-ils peu d’autorité sur leurs hommes. Le pacha écoute plus volontiers les soldats que les officiers. Quand un soldat est condamné à la peine de mort., on peut le faire mourir de plusieurs manières. Tantôt on le pend, tantôt on le fusille, quelquefois on le jette tout vivant dans le Nil, avec un boulet au cou. Le pacha fait aussi administrer la bastonnade et parfois


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