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XX DISCOURS PRONONCÉ SUR LA TOMBE DU D' E. GODARD. ni le temps, ni les dispositions d’esprit nécessaires pour se faire valoir. Comme le laboureur qui sème à l ’écart, ils travaillent obscurément et doivent forcément prendre patience jusqu’au jour de la récolte. Ernest Godard avait au suprême degré cette double vertu de la patience et de l ’abnégation. Tout entière sa vie est l ’affirmation de cette vérité ; sa mort en est la consécration. Beaucoup de travail sans prétention, des succès sans tapage, telle fut sa constante devise et sa seule préoccu- dation. À cette patience, à cette abnégation, qui sont comme la base constitutive du caractère si noble des savants, Ernest Godard joignait une habileté de tact, une modestie de maintien qui ravit ses amis en extase, depuis qu’ils savent qu’Ernest pouvait sans forfanterie avoir, sous tous les rapports, une attitude moins réservée. Riche, en effet, il sut, sans irritante ostentation, faire servir sa fortune au culte dévoué qu’il avait pour la science. Recommandé, jeune encore, à l ’attention du monde savant par des travaux d’une heureuse originalité, il ne s’est jamais servi d’un tel avantage que pour se faire discrètement aimer et rechercher dans les cercles illustrés de noms fameux et respectés. Quant à son amour pour la science, il a été égal au dévouement qu’il a mis à la servir. Rien ne lui a coûté pour en témoigner. C’est ainsi que, lauréat de l ’Institut, quand, pour attirer à lui l ’attention flatteuse de la foule, il n’avait plus DISCOURS PRONONCÉ SUR LA TOMBE DU D' E. GODARD. xxi qu’à payer à la société un tribut public et facile de soins obligeants; quand, pour être heureux selon le monde, il n’avait pour ainsi dire qu’à se laisser vivre, il s’est jeté à corps perdu dans le courant de cette vie d’épreuve et de sacrifice qui l’a conduit en Égypte, jusqu’en Nubie et en Syrie, dans l ’intérêt exclusif de là science et de l ’humanité, à la recherche de la vérité, recherche partout et toujours difficile, mais plus particulièrement périlleuse dans des contrées où le climat, les moeurs, les usages et les croyances sont pour les Européens des ennemis également perfides. Vingt mois durant, il a butiné là dans un domaine de préjugés et d’impuretés. Hardi jusqu’à l ’imprudence, il n’a échappé à la perfidie des populations que pour subir les étreintes du mal dont il s’était donné mission de connaître les causes et d’étudier la marche. Rien n’a pu le distraire de ses travaux d’étude, ni les dangers, ni les souffrances. Une fois au champ d’épreuves, il a voulu tout voir, tout interroger, tout connaître. Et ses travaux étaient déjà riches de faits acquis; sa moisson de vérités, sinon prochaine et définitivement assurée, du moins bien venante et largement préparée, quand, du foyer d’infection sur leqùel l ’étude le tenait incessamment penché, est sortie pour lui cette maladie aiguë, qui, à Jaffa, le 21 septembre dernier, l’a enlevé à l’affection de sa famille, à l’admiration de ses amis et à l’attente du monde savant. La science l ’avait trouvé ardent et infatigable ; le mal le trouva fier et indomptable.


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