En Égypte, couvert de douloureux ulcères, il observe sur lui-même, et cela pendant plusieurs mois, la marche de cette maladie climatérique, connue sous la dénomination de Bouton du Nil. A Jérusalem, l’excès de travail lui donne une fièvre qui le dévore. Provoqués par l ’étude trop assidue qu’il fait de la lèpre dans un milieu des plus rebutants et cependant des mieux choisis, des symptômes alarmants l ’envahissent et l ’obligent au repos. Sur son grabat de caravansérail, il rappelle ses souvenirs et rédige ses notes. Bientôt des accidents nerveux l’étreignent et l ’étouf- fent, il lutte avec eux d’opiniâtreté et d’énergie. Plus tard, loin de tout secours, sous la tente, dans le désert, campé douze jours comme un pestiféré, la prévision de sa mort prochaine ne l ’émeut que pour de grandes pensées, et, calme et résigné, il emploie les heures de répit que lui laisse la souffrance à consigner ses dispositions testamentaires, qui fondent des bibliothèques pour les hôpitaux, des prix d’émulation au sein des sociétés savantes dont il fut membre. Et quand, enfin, la mort plane sur lui, avec cette placidité d’esprit, cette sérénité d ame, cette indépendance de sentiment et de pensee qui 1 ont toujours distingué, il écrit pour sa mère, son pere et ses frères, pour ses amis et ses maîtres, des lettres d’adieu, toutes pleines de son coeur, des lettres qui sont comme autant de faire part autographes de sa mort du lendemain. Mais si, sur la terre, toujours musulmane, des sanglantes et stériles croisades, il est mort, comme Moïse, avant d’avoir atteint la terre promise à ses précieux travaux, lui du moins, le généreux croisé de la science, l ’intelligent martyr du dévouement, c’est aveç la consolante pensée d’avoir marqué chacune des étapes de sa trop courte existence par des trésors d’observations savantes et désintéressées qui peuvent profiter à l ’humanité tout entière. Et c’est parce qu’Ernest Godard, assidu d’abord, persévérant ensuite, laborieux toujours, s’est montré à ses maîtres savants, riche d’intelligence, avide de vérité, fort d’une volonté que rien ne rebute, que pour préluder à sa célébrité ils l ’ont reçu dans leur flatteuse intimité. C’est parce que, grâce à son assiduité obstinée et à son travail sans repos, Ernest Godard donnait chaque jour tout ce que sa luxuriante intelligence pouvait promettre, que ses maîtres savants l’avaient associé à leurs travaux. C’est parce que, dans le commerce ordinaire de la vie, Ernest Godard était facile, bon, serviable et sans prétention, qu’il s’était fait des amis de quiconque avait eu le bonheur de l ’approcher. C’est enfin parce que j ’ai pu, grâce à mes relations d’intimité avec sa noble famille, grâce aussi à quelque peu d’intelligence et à beaucoup de coeur, c’est parce que j ’ai pu connaître Ernest Godard, dans toutes les conditions de son existence, qu’il avait mon amitié sans réserve, et que je m’efforce, pour lui rendre l ’hommage qui lui est dû, d’élever mon admiration pour lui à la hauteur de celle de ses amis de la science, juges si compétents et de son grand caractère et de ses travaux de savant.
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