aussi sont connus : l'oued-Mya notamment, lequel en posséderait lui-même une centaine, et 1 oued-Rir’h, dont tient son nom la région où nous sommes. Il n’y a que l’eau qu’on ne voit pas. Mais elle existe, s’épanchant en nappe souterraine entre 40 et 400 mètres de profondeur. C’est aux points les plus élevés de son niveau que se manifestent les oasis, ici nombreuses. La politique africaine, a dit je ne sais qui, doit être hydraulique. En vertu de quel axiome des projets gigantesques on été élaborés pour arroser le Sahara. D’abord par la rupture du seuil de Gabès, amenant la Méditerranée jusqu’ici avec, comme résultat présumé, l’évaporation annuelle de huit à dix milliards de mètres cubes d’eau retombant en pluie d’or pour féconder les terres tout en abaissant la température. Résultat incertain ne valant peut-être pas le déblaiement d’une masse aussi colossale. En réplique à celte inondation du Sahara oriental, préconisée par M. Roudaire, M. Donald Mackenzie, soucieux des intérêts du Bornou, du Darfour, du Oua- daï, a étudié I introduction de l’Océan par la dépression d’El-Djouf, dans l’extrême Sud marocain, ouvrant une route nautique jusqu’au centre du Sahara occidental. D’autre part M. Favard a établi le devis monstre d’un barrage du Niger en aval de Tombouctou — analogue à celui d Assouan par lequel le père nourricier de l’Egypte fertilise GoO.OOO hectares — dirigeant ses eaux vers le Touat, d’où les distribuerait un réseau de canalisations. Comme on a des raisons de croire que ces divers bassins communiquent par des émissaires souterrains, ce serait une irrigation générale permettant la culture du riz et du coton, de la canne’à sucre, de l’indigo, du maïs, du sorgho et du millet, du sésame et de l’arachide, du manioc, de la patate. Bref, la fournaise transformée en une grenouillière qui serait le grenier du monde. Au prix de quelques petits milliards on en verrait l’affaire. Une bagatelle aujourd’hui. Les ingénieurs passent communément pour gens positifs. Il n’en est au contraire dont se déchaîne aussi ardemment l’imagination, mais en l’étayant de si impeccables autant que formidables alignements de chiffres qu’on en demeure sans voix. En attendant le jour où nous irons en yacht de la Méditerranée au Tchad, un brave petit train couvre trois fois par semaine la cinquantaine de lieues séparant Biskra de Touggourt. Omnibus oh! combien, de quoi ne se plaint pas le touriste. Toutefois est-il sage de ne s’embarquer que muni de provisions de bouche, de bougies et de couvertures. Car les ensablements de la voie sont fréquents. Le record est détenu par une panne de cinquante-deux heures — peut-être bien légende calomnieuse. J’en ai éprouvé une de quatre seulement. Par bonheur avions-nous pu, soufflant, cahotant, grinçant, atteindre une gare, où d’ailleurs il ne se trouvait rien à manger. De m’avoir cordialement invitée à sa table je garderai au chef une reconnaissance éternelle. A la vérité de tels incidents constituent la seule distraction de cet unique employé français des stations désertiques, infiniment petits points blancs perdus dans l’immensité. Le Sahara cependant est habité, encore que faiblement. Des indigènes, pour voir passer la L’OUED R IR ’H j4 1 « machina » viennent de ces oasis dont, à distance, la verdure bleuit dans la fluidité de l’atmosphère scintillante. Voilà même un facteur qui prend le courrier et l’emporte dans le capu^ chon de son burnous. La ligne range d’assez près l’extrémité du grand lac Melrir’h, auquel son miroitement azuré, moiré de cristallisations salines, donne un aspect de mer calme, rendu plus vraisemblable encore par les falaises que créent des mirages, se déformant, s’évanouissant, puis reparaissant dans la vibration lumineuse. A M’raïer nous roulons en plein chott Merouan : magma de boues salpêtrées, de sables magnésiens, que rend pestilentiel l’excès de chaleur. La fièvre monte avec une moiteur qui atténue l’éclat du soleil, le rabattant à des tons très fins de saphir et d’or pâle. Au paludisme endémique de l’Oued-Rir’h — le terri, qui règne concurremment avec l’affection éruptive dite « bouton de Biskra » — celte population, d’origine berbère, doit d’être fort dégénérée. Abâtardie en outre par un copieux métissage de sang noir, primitivement sans doute avec.Ies autochtones, qu’on croit avoir été des Ethiopiens, puis avec des Soudanais. L’emploi de la quinine à doses massives enraye quelque peu le mal. Mais les nomades, les habitants des oasis éloignées s en tiennent à la traditionnelle thérapeutique arabe. On sait de quel éclat —— procédant de l’école de Dioscoride — elle brillait au moyen-âge. L’anesthésie leur est connue, pratiquée au moyen du chanvre indien. Pareillement l’aseptisation des plaies, par la cautérisation au fer rouge ou avec de l’huile bouillante : le procédé d’Ambroise Paré. A l’instar de nos pères, ils combattent la fièvre par des saignées, des boissons aromatiques, du quassia amara. Leur pharmacopée est exclusivement faite de simples. Avant tout le thapsia, dont on sait quelles propriétés puissamment révulsives possède la résine extraite de ses racines, et qu’ils qualifient « Père de la santé ?, Comme vésicants ils ontencore les emplâtres de cantharides, do moutarde, de fleurs d’anémone et de daphné. Ainsi que l’alun, le henné est un astringent, vulnéraire aussyjt spécifique contre la lèpre. La gale, assez commune chez eux, le chameau y étant sujet, se traite par des baies de lenlisque pilées dans l’huile, la dyssenterie par l’écorce de grenade torréfiée, les tumeurs cancéreuses par les feuilles de ciguë, dont les graines sont un sédatif, le rhumatisme par lé camphre, l’huile de jusquiame, des baumes où le benjoin et la pommade de concombre enrobent la belladone, la mandragore, le datura stramonium, ces dangereuses solanées, cousines germaines de notre honnête pomme de terre. Ils font usage de l’opium, possédant même les variétés mexicana et califomica qui donnent la morphine. II suffit d’avoir vu les raquettes du figuier de Barbarie pour comprendre que, râpées, elles constituent un mucilage efficace. Le safran et le piment, le tamaris et l’ivraie, l’ambre et le gingembre figurent-ils sur notre Codex comme sur le leur, je l’ignore. Mais contre maintes incommodités, notamment celles de leurs appareils digestif et intestinal incendiés de poivre rouge, ils ont nos bons vieux remèdes : la casse et le séné, la rhubarbe et la douce-amère, la coloquinte et le nerprun, le
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