cent cinquante. Pour tous les malheureux mis à rançon ou que rachètent les Pères de la Merci, que de milliers, obscurs et pauvres, finirent leurs jours dans l’esclavage —— celui des femmes combien atroce. L’oeuvre de rédemption des captifs était la grande institution charitable de l’époque. Délivré des bagnes barbaresques, Vincent-de-Paul s’en occcupa avec zèle. L’archevêque de Palerme, capitaine-général de Sicile pour Philippe II, avait organisé pour cet objet un véritable ministère. Tout à 1 extrémité de Mustapha se localise le souvenir d’un des plus grands de ces esclaves. Il y a là un cimetière musulman, autour du marabout d’Abd-er-Rhaman, dit Bou-Kobrine, « 1 homme aux deux tombeaux », a cause qu’un douar de Kabylie revendique pareillement 1 honneur de posséder ses cendres. Au-dessus de celle oasis de paix et de grâce, noyée parmi les laideurs industrielles et faubouriennes qui, comme une lèpre, rongent ce quartier bas, une muraille de roc rouge se dresse, face à la mer, couronnée d’oliviers et de pins. Elle n’aura plus pour longtemps à demeurer dans sa beauté, car on y voit déjà des traces de boulevards, ne devant un sursis qu’aux événements actuels. Des grottes l’affouillent, dont l’une, ornée par la colonie espagnole d’un buste en marbre, serait celle où Gervantès fut repris avec ses compagnons d’évasion. De ces esprits biscornus que dévore la fureur destructive des traditions affirment, à coups pesants de dissertations pédantesques, que ce ne saurait être celle-là. Pourquoi? La tentative avortée de l’illustre manchot est relatée au livre premier de Don Quichotte et nul n’en conteste la véracité. Alors autant ici qu’ailleurs, sinon plutôt qu’ailleurs dans le lieu séculaire- ment tenu pour tel. Controverse analogue à celle qui divise les historiographes algérois au sujet de Geronimo. Le P. Ilaëdo, bénédictin de Valladolid, qui fut captif en Algérie et, a écrit la très intéressante Topografia y istoria d'Argel, rapporte l’histoire de cet Arabe converti, muré vivant dans un bloc de pisé du Fort des Vingt-quatre Heures, alors en construction. Lorsque ;— le lycée le remplaça — il fut démoli par le génie militaire, on trouva ce cadavre, conservé en creux comme ceux de Pompéi, dont le moulage se voit au Musée, tandis qu’à la cathédrale Saint-Philippe un monument commémore le martyr. Eh bien! non. Des messieurs très érudits le soutiennent mordicus contre d’autres non moins doctes, ce n’est pas cet enmuré connu, mais quelqu’autre anonyme. Ergotages aussi stériles que puérils, rappelant Vargumen- tabor des scoliastes qui retroussaient leurs manches pour disputer plus vigoureusement sur des chinoiseries. L’ancien ilôt, aujourd’hui de l’Amirauté, où s’enracine le môle curviligne qui, caprice bizarre, présente à la lame sa concavité, est un de ces récifs que les corsaires turcs, en les réunissant pour protéger leur darse, avaient couverts de défenses. 11 en reste, au pied de la tour octogonale du phare, un gros bastion trapu. C’était la demeure du « capitan » — le maître du port. De braves mathurins à présent y sont casernés. A l’entrée de sa voûte sinistre, assise sur d’énormes piliers, des inscriptions racontent de tragiques épisodes. En 1683 la flotte deDuquesne: onze vaisseaux de haut bord, vingt frégates, quinze galères, deux brulôts, sept galioles à bombesf, vingt-cinq flûtes, se tenait embossée devant le front de mer, armé de trois-cent soixante bouches à feu. Le P. Le Vacher, vicaire apostolique, tenant l’emploi du consul Dubourdieu, que prudemment avait, quelque temps auparavant, embarqué le chef d’escadre d’Alméras, s’effor- çait de négocier avec le pacha. Il y fut sommairement coupé court. Perclus de rhumaslismes, atteint d’éléphantiasis, le vieux missionnaire, apporté dans un fauteuil, fut mis à la bouche d’un canon. Celte pièce historique, du calibre 270 et pesant 25.000 kilos, est conservée à l’Arsenal de Brest. Vingt résidents français partagèrent son sort, un Choiseul-Beaupré devant son salut à l’amitié d’un reïs. Le bombardement qui s’en suivit détruisit la moitié de la ville et le quart des habitants. Mais ce n’était pas une solution. Plus tard, le maréchal d’Estrées arrosait Alger de projectiles, vain châtiment d’un identique forfait. Cette fois avaient péri, à cette même place, le consul Piolle, le P. Montmasson, le F. Francillon, M. de la Croizière de Monlheuse et quarante marins, tous au préalable effroyablement torturés, « morts fidèles à Dieu et au roi ». C’est un sujet de fierté nationale que l’indomptable héroïsme avec quoi tant de cadets de France donnaient leur vie pour la pénétration pacifique des pays barbaresques. Auprès des noms d’hommes de mer liés à cette histoire : les Château-Renaud, Beaulieu, Noailles, de Lhéry, de Coëtlogon, d’Harcourt, de Sourdis, on doit conserver ceux des deux Berthode, de Marseille, des Provençaux Chaix, Jacques de Vias, du P. Bionneau, de Panissault, de Loys de la Molhe d’Ariès -Hdont la lointaine alliance honore l’auteur de ces lignes. Encore ce Sanson Napollon, gentilhomme delà chambre de Louis XIII, tué les armes à la main après dix années de besogne diplomatique dans la Régence. Et ce Paschal de Saint-Estève, chargé secrètement de soulever contre les Turcs les Morisques. lequel périt dans d’horribles supplices sans laisser échapper une parole de nature à compromettre qui que ce fut. Notation intéressante, ces patrons corsaires qui terrorisaient le bassin de la Méditerranée étaient pour la plupart des renégats italiens, français, grecs. Barberousse, fils d’un potier de l’île deMételin, issu lui-même d’un gen tilhomme deSaintonge, son frère Khaïr-ed-Din, son neveu Hassan le vaniteux, Dragut, qui tint tête au grand amiral Doria, Salah-reïs, dont les armes triomphèrent jusque dans le Sahara, le Vénitien Memmo, portant un nom de doge, Mezzomorto, en Islam Hadj’Hussein, féroce entre tous, le génois Piccinini, devenu Ali-Bitchnine, qui avait offert à Mahomet cette mosquée transformée depuis en Nolre-Dames-des-Victoires, de même que Sa- 1. Nil novum sub sole. Ces projectiles avaient nom « marmites ardentes » et la description qui en reste montre que c'était exactement nos obus à explosion retardée. En outre le chef d’escadre Lhéry avait inventé des bombes du poids de 900 livres, mèsurant 8 pieds 10 pouces de hauteur, 4 pieds 10 pouces de diamèlre et chargées de 84 quintaux de poudre. L’inertie des bureaux — déjà ! — en empêcha l'adoption.
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