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m ! I D ’EE-KANTARA A BISKRA 131 bles à ceux de l’Afrique du Nord, à Argos et à Epidaure, séparés par une dizaine de lieues, vous voyez deux théâtres qui pouvaient contenir quinze mille spectateurs. L’une n’est plus qu’une méchante bourgade, l’autre un lieu désert. Dans l’intervalle, pas une goûte d’eau et pour tous habitants quelques misérables chevriers fabriquant des fromages. La grandeur sauvage de cette région est pour séduire les voyageurs ne craignant pas le camping, unique moyen de les visiter. Occasion intéressante entre toutes de se livrer à ce sport fort de mode et qui le mérite. Procurez-vous du matériel de campement, louez trois ou quatre de ces robustes mulets qui, sous une lourde barda, couvrent quotidiennement, par les pires chemins, leurs douze lieues. Ayez, pour commander vos muletiers et vous servir de truchement, un serviteur emburnoussé. Soyez convenablement introduit auprès des chefs indigènes. Et, au prix de deux à trois cents louis, si vite dépensés dans la banalité d’un palace-liôtel, vous aurez trois mois de beau tourisme, avec par surcroît la chance de tirer quelques lynx et mouflons. J’avais étudié, combien passionnément, l’itinéraire, les voies et moyens. Hélas! nous sommes de cire entre les mains de Dieu (Lui seul est grand!) Qu’il me prête seulement vie... L’Aurès au printemps, IaKabylie en automne, ou inversement, afin d’éviter les chaleurs torrides comme les froids intenses de ces climals extrêmes, et ces visions fortement contrastées avec celles du Sud donneront la possession complète de la si diverse Algérie. 9 La vallée s’est resserrée en un défilé de plus en plus abrupt. A la petite station où je descends, il se trouve barré net par une colossale muraille de roc aux colorations sévères : rouille sombre, gris violacé, bleu ardoise. Le train poussif disparaît dans les entrailles de la montagne. Mais pour nous, où est l’issue? Un tournant de la route et se révèle la brèche formidable ouverte par le coup de pied d’Hercule, comme en fait foi le nom de ce poste au temps de Cara- calla, corps-de-garde du Tell, vigie sur le désert. Ce n’est plus qu’un hameau blotti, au fond de la coupure, entre les mûriers et les frênes, les orangers et les lauriers-roses : la gare, la poste, la gendarmerie, l’école (où recrule-t-clle des élèves?), trois ou quatre maisons européennes entourées de jardins frais, un aimable petit hôtel — voilà tout El-Iiantara. Au vrai, El-Kantara n’est rien, ou du moins n’est-ce qu’un pont : « Le Pont ». A deux cents mètres plus loin il chevauche l’oued, de biais, tenant toute la largeur de l’étranglement, lequel mesure à peine quarante mètres. Pont romain qu’a massacré une restauration désastreuse. Le G. M. en est-il coupable? Je le crains, car une dalle enrochée porte ces mots : « 2° et 31° de ligne, 2e génie, 1844 ». Par- donnons-leur d’avoir été de détestables architectes, car c’étaient de braves soldats. Par-dessus seize siècles41s donnent la main à leurs camarades de la VIe légion Ferrala, des Syriens, qui


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