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quatre millions d’hectares, dont l’aspect de ce bled explique que ses 32.000 habitants soient exclusivement citadins. Hughes Le Roux venant à chameau du Sud-Oranais, a écrit qu’ayant abordé le Mzab par le plateau méridional, les sept villes se sont présentées à ses yeux. Surexcitée sans doute par les mirages, son imagination l’a leurré. Ou peut-être c’est qu’il a voulu, en artiste, parer la vérité. Prosaïquement attachée aux précisions, je leur dois de le contredire. Que de certains points des lèvres de l’entonnoir soit visible El-At’euf en même temps que les quatre autres, cela se peut. Je ne l’ai point vérifié. Ajoutons-y les ruines lugubres du ksar Sidi-Saïd qui, du haut d’une crête, commandait le débouché de l’oued. Mais je défie l’aigle lui-même de distinguer d’ici Berriane, à 58 kilomètres N.-O. ni Guerrara, à 90 N.-E., lesquelles achèvent de constituer l’heptapole. Que sont les Mozabites?— plutôt devrait-on les qualifier Mzabites, mieux encore Mzabi ou Beni-Mzab. Leur idiome s’apparente au chaouïa des Kabyles, les Berbères du Nord et au tema- ehek, des Touareg, les Berbères du Sud. Ni des uns toutefois ni des autres ils n’ont le type, le caractère, les moeurs. Issues d’une des tribus israélites immigrées en Ifrykia?... Rien non plus du juif dans lés traits physiques, sinon le teint blafard, beaucoup danc leur mentalité. Descendants des Carthaginois?... Pourquoi pas? L’effondrement d’un empire ne fait point qu’un peuple se dissipe en fumée. Au sang punique ils devraient leur mercantilisme. D’aucuns ont subodoré dans leur islamisme des vestiges du culte de Tâanit. Déesse de la pluie, elle mérite bien leur adoration, mais les en récompense mal. Sans doute est-ce la folle du logis qui dans la mosquée de Ghardaïa m’adonne l’impression d’un temple de Bâal, avec ses nefs sombres, sinistres, écrasées sur de barbares piliers trapus qu’ont noircis les lampes séculaires, toutes fouillées de retraits en gueule-de-four, lesquels servent bonnement à déposer les babouches. Somme toute, nul ne sait rien au juste, eux-mêmes pas davantage, à moins qu’ils ne jugent point à propos de nous en informer. Race retirée et secrète. Une idée m’est bien venue, mais dont je reconnais la fantaisie onlrancière. Ce serait des Auvergnats. Ils en ont, je vous affirme, la structure : carrés, solidement plantés sur des pieds importants, large face à collier de barbe noire, front têtu, mâchoire vorace, mains en battoir. A leurs seuls mollets on les distinguerait des Arabes aux pilons de coq : mollets énormes et fort velus, ce qu’il est facile de constater, celui du commun allant nu-jambes. Et aussi ne porte-t-il pas le burnous, mais la djellabah à capuchon, en épaisse laine.de chameau, brune rayée de noir, de jaune et de blanc, exactement la limousine de notre plateau central. Je supplie qu’on oublie au plus vile ce que je viens d’écrire. Et pour montrer que je suis sérieuse à mes heures, j’ajoute avoir consulté sur la matière un aimable et délicat lettré mzabile, fixé à Bou-Saâda, d’où souvent il vient visiter Paris, hôte assidu de nos bibliothèques, car il sait le français autant que vous et moi. Sliman-ben-Ibrahim estime son peuple parfaitement arabe, provenant des premiers conquérants venus de l’Irak, en Mésopotamie, et du Yémen. A telles enseignes que dans cette région asiatique sont nombreux ceux... dirai-je de sa famille?... Le mot est trop étroit... De sa tribu?... Il est trop vaste. Mettons de sa gens : lesBa-Amer. Avec le régime tribal, le nom va loin. Imaginez parents tous nos Dubois, Durand ou Martin... Donc les Mzabites seraient des Arabes, métissés de Berbères au temps de cet empire mixte détruit au ii° siècle de l’hégire par l’invasion des Beni-Hilal. Moi je veux bien. Seulement je m’entête à demander : pourquoi sont-ils si différenls des Berbères et des Arabes? Faute de précision sur leur caractère ethnique, leur filiation religieuse du moins a été établie. L’orthodoxie musulmane comprend quatre rites : les malékiles en Afrique, les hanéfites en pays ottomam, en Egypte et en Arabie les chaféites, aux Indes et en Extrême-Orient les hanébalites. Sur cette pure doctrine, outre certaines sectes de moindre importance, notamment les matazélisles, rationalistes qui fleurissent au Maroc, se sont greffés deux grands schismes, nés des dissentiments relatifs à la succession de Mahomet comme khalife, c’est-à-dire « lieutenant de Dieu »»réplique de notre vicaire de Jésus-Ghrist. Ici encore, crainte de passer pour un esprit superficiel, je note la protestation de ceux-ci, s’atteslant les héritiers directs du Prophète et que les autres sont d’ultérieurs hétérodoxes. J’y consens bien volontiers. Le dogme chiite est professé en Perse. Le kharedjisme avait fait beaucoup d’adeptes en Berbérie, où des torrents de sang coulèrent pour sa cause. Cette race était à un degré rare possédée du goût de s’entre- tuer pour le plaisir, car il ne semblait point que ce fût par passion confessionnelle, si peu fixés en la matière, qu’à en croire son historien. Ibn-Khaldoun, avant son entrée définitive dans le giron de l’Islam elle aurait apostasié onze fois. Certains kharedjites néanmoins, plus obstinés — ils se disent aussi ibâhdiles ou bien ouahabites, du nom de deux imans qui successivement les réformèrent — s’enfuirent devant les persécuteurs jusqu’à Ouargla. Un saut. Expulsés de ces oasis par les Châamba, ils remontèrent ici, assurés que nul ne leur disputerait ce peu enviable séjour. La légende veut qu’un ibâhdite priant à la Mecque et implorant un signe de la faveur divine, vit, par un ciel serein, de l’eau couler d’une gouttière : mizab. Ainsi les habitants auraient ils donné leur nom à l’oued au lieu d’en tirer le leur. Amère plaisanterie d’Allah (l’Informé, le Perspicace, Il est le Seul), car, en les amenant dans cette géhenne, il n’a pas tenu ses alléchantes promesses. Avec une tenace volonté de vivre, ils aménagèrent la Chebka et s’y organisèrent en république fédérative. Etat assez important pour que le visitât Léon l’Africain. Peuple sans histoire, il n’en fut pas plus heureux. Une anarchie chronique le déchirait. Impuissant à s’ordonner, non moins 4- étant peu doué en vertus guerrières — à se défendre contre les nomades qui le molestaient et le rançonnaient, il finit par recourir à notre protection. 13


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