de la térébenthine. Le suc do ses baies délayé dans de l’eau donne de l’encre et si on les fait bouillir avec de l’alun, elle est indélébile. Précieux betoum. Durant les trente premières lieues ils nous tiennent compagnie. Pas un être humain, pas un chameau, pas une chèvre. Plus d'alfa : rien que les touffes grises de la trisle armoise. Le ciel et le soleil: c’est tout. Monde de flamme et de silence. Quatre points d’eau, quatre relais pour la diligence. Nous croisons celle qui monte vers le nord, infime atome dans 1 espace. L’allure des mules mornes tient le milieu entre l’immobilité et le pas. Ne parlons point des voyageurs... Et pourtant ils inspirent de l’envie à ces hommes en uniforme que nous rencontrons. A dessein je ne dis point des soldats, dont les joyeux n’ont que le nom. Ils rejoignent leur garnison lointaine; quinze jours de marche depuis le terminus de la voie ferrée, dormant dans les caravansérails. Pas de Crainte qu’ils désertent. S’écarter de la piste, ce serait la mort affreuse de faim et de soif. Ironie du destin, cette importance vitale de l’eau pour des gens à qui le goût en est moins familier que celui des alcools variés. Lenls et las, musette en bandoulière, ils traînent sur le sol dur les godillots poudreux. Ils n’ont pas le sourire : c’est moins gai que le « Sébasto ». Ne les plaignez point, car s’ils n’étaient ici, ils seraient au feu, honneur dont ils ne sont nullement jaloux. D’ailleurs voici, en sens inverse, d’honnêtes Iringlots conduisant trois ou quatre prolonges de ravitaillement. Nous passons. Et de nouveau la solitude im- mense. Il doit bien y avoir par ici des gangas, cette sorte de perdrix rouge, assez coriace, qui serait excellente aux choux si les choux ne manquaient. Sa rareté la rend invisible. Plus rares encore les gazelles, et devenues tellement craintives que, pour les approcher, il faut la palience et la ruseldu nomade. Malgré l’interdiction de la chasse, hier m’a été servi un rôti de ce gracieux animal que c’est péché vraiment de mettre en broche. Aux temps héroïques de 1 Algérie on trouvait dans le Sahara des troupeaux d’autruches. L’abus des chasses militaires les a refoulées vers le Soudan. Ne le reprochons pas trop à ces officiers de la première heure : c’était leur unique joie. Au vrai ceux d’aujourd’hui n’en ont guère davantage. Pourquoi ne pralique-t on pas dans le bled l’élevage de ce volatile?Ce ne serait nullement produit négligeable. La colonie du Cap a exporté annuellement jusqu’à cent tonnes de plumes — que de chapeaux, compris ceux des généraux — valant de cinq à six cents francs le kilo. Faites le compte. Depuis, la demande a baissé, le prix par conséquent. Mais il ne tiendrait qu’à nous de les remettre a la mode, sans que a S. P. A. ait à prendre les armes, puisque, pour avoir des panaches, on se borne à déplumer périodiquement la queue. Et ce n’est pas tout. Les oeufs sont fort délectables. Elle n’en pond guère qu’un par semaine, mais suffisant, je l’ai vérifié, pour une omelette de vingt personnes. Sa chair enfin n’est point à dédaigner, particulièrement savoureuse en salmis. C’est, somme toute, une énorme pintade. Des parcs à autruches au Sahara me semblent indiqués. J’en connais bien en Normandie et en Seine-et-Marne, ainsi que de casoars et de nandous. Tilrempt, c’est la grande dhaya. Dans des sables d’or pâle les pistachiers sont nombreux et de belle venue, De loin on dirait d’un parc dont le caravansérail blanc serait le château. Pour s’y rendre on lui tourne nettement le dos et même en se retournant, on le perd de vue. Impression fort pénible à l’heure d’un déjeuner très tardif. Puis subito on bute dessus. En montagne ces phénomènes sont explicables. Mais ici?... Cruelle énigme. Ce n’est point l’ordinaire asile des caravanes, mais un de ces sortes d’hôtels sahariens entretenus et contrôlés par l’autorité militaire. En plus vaste, en mieux tenu, le type est identique. De deux côtés du quadrilatère formé par de hautes et épaisses murailles, des hangars servant d’écuries. Les chameaux, entravés, demeurent en plein air parmi poules, dindons, chèvres et lapins. Sur les deux autres s’ouvrent des cellules sans fenêtre, ici meublées, sommairement et proprement, devant un aspect d’élégance à ces épaisses couvertures bariolées de Gafsa, plus lourdes que chaudes, mais si décoratives. Salle à manger décente, cuisine acceptable où opère un « chef » en veste brodée mauve et culotte safran. Ce n’est pas le patron. Celui-ci, ex-cuisinier indigène du mess des of Aciers à Laghouat, est renommé pour ses talents. On le célèbre à l’envie sur un de ces livres où les voyageurs sont priés d’écrire quelque niaiserie. Son suppléant m’a convenablement alimentée, sans plus. Ces situations sont fort avantageuses. Non pas tant du fait des casseroles, les Européens étant rares et, sauf ceux de grande marque, les indigènes, assis à terre en quelque coin, consomment leurs propres vivres. Mais il y a les ingénieux petits trafics. Exemple. Un nomade pauvre a besoin urgent d’orge. Pour s’en procurer en échange de quelques toisons, il lui faudrait attendre le marché le plus voisin, à deux, à trois cents kilomètres de son campement. Le caravansérail est moins éloigné. De la laine?... Le tenancier n’en a que faire. Par pure obligeance il la prend, au-dessous du cours, donne le grain au-dessus, un bon coup de pouce aux deux pesées. Additionnez beaucoup d’opérations de ce genre et vous vous y retrouvez. Passable jusqu’ici, la piste devient détestable. A chaque cahot je frémis pour les infortunés assis sur les portières. Mais ils sont retenus par l’enchevêtrement des dix jambes. Nous pénétrons dans le Chebka. Imaginez le squelette d’une terre morte à la suite de quelque effroyable convulsion. Invraisemblable chaos de pierre : de la pierre, de la pierre, rien que de la pierre, sans un brin d’herbe pour abriter un moucheron. Insensiblement nous sommes montés à quelque sept cents mètres et nous voici sur une immense hammada, plateau calcaire bizarrement tailladé en tout sens par un réseau de crevasses. Chacun de ces méandres porte un nom d’oued. Faut-il que les hydrographes soient enragés pour avoir trouvé leur compte dans une région plus que toute autre du désert digne du nom bled-el-af euch « le pays de la soif ». Au vrai, en leur langage, un oued, la plupart du temps, n’est qu’un thalweg. La plus élémentaire géologie
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