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Car — ceci est le second point — rien en elle qui n’ait son charme. Bien que soit établi un canon do la beauté humaine, nombreux ceux qui plaisent en s’en écartant souvent beaucoup. A plus forto"raison ceci est-il vrai de la nature, pour laquelle n’existe pas ce canon. Charme modifié à l'infini par l’ambiance. L’absence de végétation, en Beauce donne de la laideur; en Afrique, elle crée du beau, parce que cette nudité se drape de lumière, paroe que ,les êtres qui la peuplent sont adéquats à ses couleurs et à ses formes. Dissociez ces éléments, cela no va plus. Ces aspects de l’oued-Mzi qui hier me ravissaient, sur les bords de la Loire ils seraient inexistants. Dans lo bled, les bords de la Loire sonneraient faux. Si vous n’aimez que la verdure, n’allez pas au Sahara. Mais la forêt de Fontainebleau y serait tout aussi déplacée qu’en Brie une oasis. Les joies vives et profondes du touriste consistent à dégager ces harmonies locales des choses, ces combinaisons climatiques de lignes et de tons. Considérez le palmier. Arbre en zinc, dit-on si on ne connaît que ceux de la promenade des Anglais d’ailleurs grosses planles d’appartements fort différents du phoenix daclylifera, vulgà dattier. On pense autrement quand on a vu celui-ci aux oasis, dans sa grâce fière, son port hautain, son élégance patricienne, frissonner de bien-être à la fraîcheur vespérale, ou tordu par le sirocco depuis sa base jusqu’à la pointe de sa cîme. Le chameau?... Au jardin d Acclimatation il nous fait rire. Dans le bled il a sa grandeur touchante, en silhouette sur le ciel de flamme à l’heure du maghreb, d’opale à celle du chergui. Un guenilleux arabe aux Champs- Elysées inspirerait plus de dégoût encore que de pitié. Au seuil du gourbi, de la guiloune, sa native dignité d’attitudes nous retient même de compatir à son indigence. Et au surplus, ici il n’est point indigent. L’eau, par nous dédaignée, passée l’heure du bain, l’eau, au désert, chétif filet, flaque saumâtre, non seulement par sa rareté précieuse elle est chose auguste et sacrée, mais elle prend en soi une valeur esthétique due à son accord particulier avec le, ciel et le soleil, le sable et l’argile. Une perdrix se levant d’un chaume n’a d’attrait que pour le chasseur. Quand c’est d'une touffe d’alfa, elle anime la solitude oppressive, elle adoucit d’un sourire tant de sévérité. L’intelligence de la nature dans tous ses aspecls est faite aussi de celle d’un élément psychique qui lui est intimement lié. Une soc éventrant la glèbe, une faucille qui coupe les épis, une chèvre qu’on trait, une bête de somme portant son fardeau, un troupeau qui s’abreuve, un feu qui s’allume pour le repas du soir, une femme puisant de l’eau, un berger mettant sa main au-dessus de ses yeux pour voir au loin — gestes quotidiens, millénaires, éternels, dans ces pays âpres et durs ils s’ennoblissent d’un caractère émouvant. Car ils sont représentatifs de la vie réduite à ses besoins primordiaux, semblant peu de chose à nous, qui en avons tellement d’autres, pourtant nos besoins aussi, lesquels survivraient à la perle de tous raffinements. Je parlais de paysages linéaires : ils sont le cadre d’une vie dépouillée. Et par ainsi le rythme de l’humanité se trouve avec celui de la nature en ce juste accord, essence de la beauté. La comparaison du désert avec une peau de panthère dont les taches sont figurées par les oasis n’est pas neuve, Strabon, en étant l’auteur, à moins que ce soit Ptolémée. Très exactement elle se vérifie dans la région des dhayas. Par ce mot entendez une dépression à peine sensible où s’accumulent les limons qu’entraînent les pluies — car il pleut bien une demi-douzaine de fois l’an, et quelles pluies — mêlés de débris végétaux et animaux. Oasis en miniature, dont à intervalles assez éloignés est semée la plaine fauve, généralement faites d un arbre unique sous lequel pousse de l’herbe, oui vraiment, une herbe qui, l’hiver, est verte. Imaginez, en plus grand, ces cuvettes que, pour maintenir de la fraîcheur à leurs racines, on creuse au pied des marronniers de nos boulevards: Ces arbres sont des betoum, que nous appelons pistachiers- térébinthe. De haut port, ombelliformes, dépouillés de leurs branches basses par les caravaniers qui en font du feu, leur large parasol sombre et luisant abrite un véritable petit pré — tant que le soleil ne l’a pas transformé en paillasson. On les plante au milieu d’un buisson de jujubier épineux _ le zefsouf — qui les défend contre la dent des chameaux et meurt quand l’arbre a pris assez de force pour pomper toute l’humidité souterraine. Ah! c’est qu’il n’y en a pas pour tout le monde. Leur croissance est très lente, leur longévité considérable. Pourquoi on les plante?... Pour bien des raisons. D’abord ce sont — au désert chose inappréciable — des repères. Pas seulement au désert. Dans le Tell, depuis le débouché des Portes de Fer jusqu’aux pieds de Constantine, s’étendent d’âpres régions, brûlées l’été, l’hiver, glaciales : laMedjana, le plateau sélifien, don!, une fois les moissons coupées, la nudité n’est pas moindre. Si vous allez visiter les fouilles de cette cité romaine qui finira peut-être par s’égaler à Timgad : l’antique Cuicul, nommée' par les Arabes Djemila — « la Jolie », épithète singulièrement mal appropriée j r vous ferez, depuis la gare de Saint-Arnaud, trente kilomètres par un détestable chemin. Et vous rencontrerez un caroubier. C’est « l’arbre », point de direction, phare, poteau indicateur . « l’arbre » enfin. Mieux partagé, ce bled ci a ses nombreux betoums. Us donnent aussi leur ombre. L’ombre, une chose encore, chez nous banale, qui au Sahara prend de la grandeur et de la poésie. Quand vous aurez chevauché une étape dans les sables à la réverbération implacable, vous verrez ce que vous sera l’ombre, pourtant médiocre, d’un tamaris ou d un gommier. « Plutôt la mort d’un homme que d’un arbre » est un dicton indigène. En Kabylie, où pourtant ils ne manquent pas, on est propriétaire d’un arbre — que dis-je? de la moitié d’un arbre, figuier, olivier ou frêne, celui-ci pour ses feuilles dont se nourrit le bétail. Ce pistachier qui ne donne pas de pistaches a cependant ses utilisations pratiques. Sa noix de galle est riche en tannin. De ses feuilles on extrait de la teinture noire, de son oléo-résine


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