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On ne s ennuie pas une minute à Laghouat. Qui toutefois se propose de poursuivre vers le Sud souhaiterait plus de facilités pour en sortir. Un autobus postal fait le service quotidien depuis Boghari, concurremment avec la diligence. Mais seule celle-ci, de deux jours l'un, dessert Ghardaïa. Et à cette pensée les cheveux se dressent. Pendant huit jours j’attends une des irrégulières occasions d’automobile. Quand partirai-je? Et serai-je pilotée par Wagner, Pépète ou Chocolat ? Mon impatience ne s’apaise qu’avec Veddhen I l’appel pour la prière du crépuscule. Il s’élève de la terrasse d'une opulente mosquée toute neuve, en pendant à une belle église de dimensions excessives pour le nombre des nasrani. Le sanctuaire musulman n’est pas plus rempli que le nôtre, les Laghouatis préférant faire leurs dévotions dans diverses koubas, d’où cinq fois par jour surgit ainsi la psalmodie rituelle. Je monte alors au fort Bouscaren ou au fort Morand — deux braves parmi les braves qui tombèrent ici. Voir le soleil s’abîmer dans le désert est une joie des yeux dont on ne se lasse point. C’est fini : il a disparu. Regardons au loin. De même que dans les montagnes de Grèce, dans les plaines sahariennes les premiers plans sont nuls. Paysages tout en perspective. La ligne idéale qui limite l’étendue se dessine en outre mer ourlé d’orangé. Dans l’absolue pureté de l’atmosphère, trait d’une singulière précision. Le demi-cercle de crêtes se découpe.durement en ocre sur le ciel violemment empourpré. Déjà nous ne sommes plus dans la lumière. C’est l'heure « où on ne peut plus distinguer un fil noir d’un fil blanc ». Vers l’orient qui s’endort, le bleu de I’éther va défaillant. L’oasis s’abolit dans les ombres qui graduellement s’épaississent comme par la superposition de voiles de gaze indigo. Seuls se distinguent les plus élevés des palmiers. Leurs cimes épanouies en gerbes d’eau se silhouettent avec netteté sur le ciel incandescent : suprême caresse du soleil qui s’en va embraser d’autres terres. Tout est tellement linéaire que, malgré cette lueur d’incendie, cela semble froid. Contradiction dont m’apparaît l’absurdité et cependant, pour fixer tant bien que mal cette impression, je ne saurais trouver d’autres mots. Peu à peu ce feu qui ne chauffe point s’atténue en une sorte de reflet citron pas mûr où passent des nuances fugitives d’améthyste pâle, de saphir agonisant, de turquoise mourante. Une à une s’allument les étoiles, si brillantes qu’on les croirait doublées de volume. Dans le silence qui tombe, solennel, une voix s’entend, partie on ne sait d’où, extraordinairement distincte, un hennissement, un aboi, le piétinement sourd des troupeaux rentrant du pâturage. Puis une odeur, exaspérée par la chaleur du jour, cettë odeur que je n’ai sentie qu’au désert, de résines aromatiques qui sont peut- être de myrrhe et d’encens. Le gouffre de ténèbres se troue de quelques points lumineux: les


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