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fort jolie en large pantalon bouffant de soie bleu turquin et veste gris perle soutachée de rose. Ici non moins que les autres strictement recluse et voilée, elle compte, après la guerre, venir avec son époux à Paris. 0 Allah! (Il est Unique) où allons-nous?... Voilà bien le mauvais esprit qui infeste les « grandes villes », destructeur des traditions, corrupteur des moeurs. Ainsi quelques- unes de ces dames m’ont avoué envier fort notre liberté. Si on ne les émancipe point, peut-être y a-t-il de leur faute. Effleurant ce sujet avec un lieutenant indigène, éclairé par la vie de garnison, je lui représentais qu’après tout nul principe dogmatique musulman n’est en jeu, et quant au reste, je nous proposais en exemple, affirmant qu’à de rares exceptions près l’honneur de nos maris est aussi sauf que le leur. Triste et sagace, il hocha la tête. « Les femmes françaises, ce n’est pas la même chose. Les nôtres feraient le mal à chaque pas ». C’est lui qui le dit. Il le sait mieux que moi. Je veux croire qu’il exagère. Toutefois, on me l’assure, tant de précautions contre certaine infortune seraient tout à fait illusoires. L’ennui n’est-il pas le pire ennemi de la vertu? Je dédie le propos à ces voyageurs qui, égarés par l’attrait de l’exotisme, se font une loi d’établir sans cesse des parallèles peu flatteurs pour notre moralité. Quand il s’agit de celle de l’Orient, le sophisme est vraiment trop voulu. Ne croyez pas non plus que la pluralité des épouses agrée tant que cela aux musulmanes. Loti nous a initiés aux sentiments à cet endroit des harems ottomans. Pour inférieure au développement intellectuel que la femme arabe de grande tente soit à ses soeurs turques de la bonne compagnie, celles qui ont avec nous quelque contact préféreraient infiniment notre régime matrimonial. Autre baliverne, usée à force d’avoir servi : « C’est tout bonnement la régularisation de ce qui chez nous se pratique hypocritement ». Dans son excellent ouvrage sur l’Afrique du Nord sociale et économique, M. Aynafd a cru devoir en faire justice. Bien bon d’avoir pris autant de peine pour ce qui, au point de vue de la dignité de l’épouse et de la propreté du foyer, ne mérite pas l’honneur de la discussion. Quant à dire que les mauvaises moeurs en sont abolies, c’est comme si, pour supprimer le vol, on déclarait licite de s’approprier le bien d’autrui. Raisonnements en forme de serpent qui se mord la queue. Ceci d’ailleurs n’empêche pas cela; demandez-le aux Ouled-Naïl. Et au bref, inutile de s’épuiser en arguments spéculatifs : regardez où sont tombées les sociétés polygames. N’empêche qu’un écrivain de qui je tairai le nom s’étonne naïvement de raccueil plutôt frais fait par le grand roi et sa cour à l’obligeante recherche d’un sultan du Maroc demandant la main de la princesse de Conti. « On ne se doutait certainement pas du degré de civilisation de la cour chérifîenne ». Qu’attendre de ces barbares de Versailles?... Excusez-les en considérant que ce Moulay-Ismaïl passe pour avoir engendré 548 fils en outre de 340 filles. Mettons qu’il y ait un peu d’amplification arabe. Quand même c’était pour rebuter l’étnjitesse de nos esprits européens. La polygamie d’ailleurs se démode. Tout « renchérit » tellement. Une femme, cela coûte déjà bien assez, surtout en un pays où c’est le mari qui paie la dot. Des Arabes avertis m’ont avoué leur envie pour le système inverse. D’autre part la proportion des sexes, partout sensiblement égale, est ici, assure la statistique, à l’avantage du masculin qui l’emporterait de 18 °/r Or la ressource manque aujourd’hui des captives. On y supplée par de fréquents divorces : presque 50 °/o des mariages, ce qui revient à échanger les femmes entre soi. C’est moins onéreux et on a la paix au logis. Les ménages doubles se trouvent plutôt chez les gens de petite condition, où elles sont les servantes. Devenues inaptes — elles vieillissent vite, sujettes à beaucoup d’incommodités résultant de la mauvaise hygiènes- elles-mêmes souvent réclament une coad- jutrice. 11 y a mieux. Chez un méchant petit marabout de rien du tout, j’ai vu une épouse mûrissante dévorée du désir de divorcer pour prendre sa retraite. Elle se plaint de rhumatismes. Ce bled n’est pas assez sec pour elle — que lui faut-il donc? Elle a la nostalgie de son ksar natal, là-bas, plus loin dans le Sud. Puis cela l’ennuie de faire le couscouss. Le cheveu, c’est que son mari ne veut rien savoir. Il a mis dans sa maison une couple de jeunes houris d’ailleurs médiocres. Mais sa confiance et son affection demeurent à cette sultane valideh aux charmes copieux autant que défraîchis, abandonnés dans des lainages lie de vin sales quoiqu’étoilés de clinquant, les cheveux rougeâtres de henné déteint tout désordonnés sous des oripeaux orange et vert, d’énormes pieds débordant des babouches qu’elle traîne lourdement. Non sans vanité — le coeur féminin n’est que contradictions|MHelle exhibe, en témoignage de la tendresse dont elle ne veut plus, les présents qu’il lui apporte de ses voyages à Alger: éventails japonais, petits singes en peluche, canaris en duvet, dessous de lampe en chenille, vases en verre filé, fleurs artificielles, toute la boutique à treize. Jusqu’à un coucou de la Forêt Noire marquapt sept heures dix à perpétuité. Impossible de se dépêtrer de cet époux modèle. Elle s’en désole. Cependant elle a le sourire. Même, si j’osais, je la dirais rigolarde. C’èst par là sans doute qu’elle retient malgré elle son seigneur et maître, heureux d’une relâche aux pieuses méditations de son état. Cette main-mise de la première femme n’est pas rare. Mohammed-ben-Cheikh-Ali, caïd de Laghouat et caïd des caïds des hsour de l’Oued-Mzi, n’ayant pas eu d’enfants de la sienne, en a pris une plus jeune. Il est riche. Dans son jardin de l’oasis, vaste, frais, ombreux, embaumé d’orangers et de jasmins, rougeoyant de grenadiers en fleur, il a une maison à chaque extrémité, avec service particulier. Il passe alternativement un jour dans l’une, un jour dans l’autre, en bon musulman tenu à rendre des soins égaux. Mais il nourrit pour l’aînée une prédilection. Elle le mérite, paraissant intelligente, et attachant par une physionomie de grande bonté. Son intérieur s’égaie de deux nièces, les plus jolies Arabes que j’aie connues. Rien de


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