peau des femmes imprécises et, lepetitbicoten tête, nous nous dirigeons processionnelloment vers la sortie. Passages sombres, cours lugubres. Une négresse pile dans un mortier de pierre le cous- couss dont les grains perdus sont picorés par des pigeons bleus, d’étiques poules au cou rouge, un gros mouton privé, une chèvre familière. Des chats farouches dévorent on ne sait quels débris. Des outres pendent à des crochets, des chapelets de piments sèchent au soleil. Toujours de ces tas de plâtras oubliés sans doute par quelque maçon. Tout d’un coup le sourire d’un figuier se penchant sur un puits. A l’angle de deux corridors ces dames s'arrêtent : limite qu’elles ne doivent pas franchir. Salamalecs. Dans l’ignorance de ce que sont les femmes de moindre importance je commets un impair. L’une d’elles, à qui je n’ai pas tendu la main, se précipite en m’offrant la sienne. Crainte de récidive, je presse avec effusion toutes ces paumes au henné, excès de politesse qui probablement m’induit en gaffe inverse. Un bessalama collectif. Enfin je gagne la porte où m’attend mon escorte masculine, et qui se referme derrière moi à grand fracas de clé. Ouf!... Ce n’est qu’un répit. Autre maison (voir ci-dessus). Ici l’interprète est une gamine très futée. Comment expliquer que, les petites filles arabes étant pour la plupart vives et fines, presque toutes les femmes soient si lourdement apathiques? Je remarque cependant une lueur intellectuelle éclairant la physionomie dure et fermée de la maraboule en robe sang de boeuf broché olive et argent, melhafa violette lamée d’or. Epuisé le dialogue de rigueur, elle me déclare péremptoirement que « les Français ne doivent pas faire la paix avant d’avoir repris l’Alsace et la Lorraine ». Merci du conseil... J’acquiesce de tout coeur. Cette personne si avertie est, paraît-il, une maîtresse femme, très influente dans Tordre et qui gouverne avec grande compétence les affaires de la zaouïa. Poliment j’exprime mon regret de ne pas être en Algérie depuis assez longtemps pour en avoir appris la langue, ce qui me rendrait encore plus agréable de visiter les dames arabes. Elles s’en affligent avec moi. Au vrai ne trouverais-je sans doute pas grand chose à leur dire, elles pas davantage. Certes l’assimilation de notre culture par l’Arabe n’est que du plaqué. Causez un certain temps avec le plus « parisien » de ces grands chefs, qui parlent parfaitement le français, viennent faire la fête chez nous, ont vu Sarah et promené leur burnous au foyer de la danse — vous vous abandonnez à l’illusion que seuls vous séparent le costume et la religion. Puis tout d’un coup l’abîme se creuse. Mais enfin il y a quelques ponts. Tandis qu’entre nous et leurs épouses, c’est la muraille de la Chine. Loin que l’ignorance de la femme indigène nous soit un sujet d’étonnement, on se doit émerveiller qu’elle sache si peu que ce soit. Presque jamais elle ne sait lire. Je pourrais nommer la fille d’un très considérable agha, le plus grand seigneur d’une région saharienne autre que celle-ci, qui, ayant eu une gouvernante française — fait exceptionnel — parle couramment notre langue, mais ne la lit point et non plus la sienne. Avec cela, forcloses du monde extérieur, où puiser des notions générales? Sur la vie locale elles sont bien assez informées. L’oisiveté absolue de toutes celles que leur rang et leur fortune élèvent au-dessus des besognes ménagères fait du bavardage Tunique occupation de leurs journées. Le ragot est un rongeur qui pénètre partout. Pour le colporter il y a les servantes, les nègres, à qui le mépris de leur pigment ouvre les portes du gynécée, les juives apportant leurs marchandises. Ces damés s’entre- visitent beaucoup et échangent leur documentation. Puis, outre l’époux, ont accès auprès.d.elles le père, les frères, les fils, les oncles, neveux et cousins. L’Européen, qui ne dépasse point le Bit- el-Dyaf, l’Européenne, admise dans l’intérieur, mais n’y rencontrant pas les hommes, ne peuvent guère imaginer qu’èxiste une vie familiale. C’est un tort. L’Arabe est même de complexion assez domestique, bon père en général, souvent bon époux, part faite à un principe qui d ailleurs n abolit pas autant qu’on le croirait la jalousie féminine. Rentré au foyer, désemburnoussé et désen- turbanné — du moins je le présumeB- jambes croisées sur des coussins au milieu des siens, comme tous les maris du monde il raconte ses affaires et celles d’autrui. Par ainsi les femnies bien douées puisqu’il n’y a pas à compter sur l’éducation pour développer les intelligences paresseuses ou médiocres - s’assimilent plus de choses que cela ne nous semble possible. Ce n’est même pas rare qu’elles soient consultées et donnent de sages conseils. Dans plusieurs intérieurs laghouatis, lorsque je visitais la femme, le mari arrivait. Infraction à l’étiquette musulmane que jamais je n’avais constaté en Turquie. Maisons simili-européennes — oh! combien simili. La nudité des demeures arabes, leur manque de tiédeur intime, l’absence de cette âme que donne à nos logis une ambiance d’occupations familières, on n’en est point choqué î c’est dans le rythme. Tandis que le vide moral de ces salons de dentiste... Que penseraient-ils, ces gens, de nos homes fouillis, avec leurs arrangements libres quoique ordonnés de meubles, de bibelots, de fleurs, de livres, d’ouvrages qui traînent, épars en un désordre apparent mais logique, cadre vivant de la vie de qui l’habite? Et que parlé-je d ouvrages?... Les. femmes du commun travaillent par nécessité. Mais que des « madames » fassent oeuvre de leurs doigts pour écrire, peindre, jouer d’un instrument, tirer une aiguille,, la lecture même, un labeur,.. Notre besoin d’actionner muscles et méninges est tenu par les esprits orientaux pour parfaitement saugrenu. Juxtapositions qui donnent des effets baroques. Dans un de ces appartements de parade j’ai été reçue par une jeune femme parlant français, avec timidité, mais correctement. Si en cela elle dérogeait à l’usage, par contre c’est la seule que j’aie rencontrée portant l’ancien costume au lieu de ces très vilains fourreaux sans lignes dont elles s’affublent. Toute menue, elle était i l
27f 123
To see the actual publication please follow the link above