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quelques lieues de l'oasis. Les surprises du désert. Vous roulez dans le vide, puis tout d’un coup voilà, entre de hautes murailles blanches, un jardin mal tenu, une kouba — la sépulture de amille — une manière de castel de style incertain, assez délabré, aussi sévèrement clos qu’une forteresse. La demeure intime est séparée du Dar-Dyaf, « maison des hôtes », par des passages tortueux, des portes massives. Comme dans bien d’autres, mon sexe m'en a ouvert l’accès. J’y reviendrai ; mais me voici parvenue à une étape dont me sollicite l’intérêt immédiat. Le chaînon brûlé du Djebel-Milolc est un rameau de ce massif du Djebel-Amour, aux sommets variant entre les cotes 1.200 à 2.000, qui sépare le Sahara d’Alger des steppes d’alfa du plateau oranais. Monts très escarpés, dont les gorges seraient assez richement boisées n’étaient la dent des chèvres et les incendies, souvent volontaires à l’effet de donner des pacages. Je me trouve exactement au pied de la muraille de roc quasi à pic, qu’ici entaille une cuvette elliptique creusée par un torrent descendu au long d’une sabrure profonde. Des blocs dégringolés du haut de la crête lui forment une fortification naturelle. Ce lieu singulier appartient à l’agha. Aux temps d’anarchie — l’ordre que nous lui avons substitué est un bienfait auquel les populations se montrent sensibles — on pouvait y retirer en toute sécurité les troupeaux, les enfants, les femmes. Aujourd’hui les badigeons roses et verts d’une sorte de « folie » s’y écaillent dans l’humidité d’un jardin délicieusement sauvage. Jardin oriental, rien qu’eau et verdure. Des figuiers colossaux tordent leurs troncs et traînent leurs branches basses— on dirait des baobabs — dans le sable parfumé de menues herbes blanchâtres fortement aromatiques. Des palmiers choemerops épanouissent au sortir de terre leur gerbe élégante et robuste. Entre d’épais lauriers roses, le petit oued clair et frais bruisse sur les cailloux blancs. La chanson de l’eau... partout l’harmonie en est douce. Au désert elle mesure le rythme vital. Oasis en miniature où il fait bon prendre la collation servie par le khammès qui vit ici du cinquième de maigres cultures : sa part, le khamsa, dont il tient son nom. II vit... Pour ne pas mourir le'Saharien s’accommode de lait de brebis ou de chamelle, de couscouss et de dattes, sans que l’abondance de ces aliments en rachète la frugalité. Son vêtement, peu de chose, nul le chauffage. Pour l’éclai- rer il a les étoiles — mais à quoi bon?... Il dort. Et que ferait-il d’argent de poche? On repart. Mais non... Qu’attendons-nous?... Que le khodja ait fini sa prière. Numéro trois, numéro quatre, je ne sais plus. Occasion à ne pas laisser perdre d’y joindre les ablutions. Je supplie Mohammed-ben-Taleb de ne voir dans ces paroles aucune intention d’ironie. Bien que nos pratiques soient plus discrètes, il sied de respecter sous toutes ses formes le culte du Divin. Les musulmans nous en donnent l’exemple. S’ils ont été à notre endroit d’une farouche intolérance, si contre les chrétiens sans défense ils le sont encore — voyez les Turcs avec Arméniens, Maronites, Syriens — c’est que les antagonismes confessionnels sont étroitement liés à ceux des races. Mais Mahomet le dit : « La nourriture de ceux qui ont reçu les Ecritures avant vous » — c’est nous — « est licite pour vous; la vôtre Test également pour eux ». La Bible en effet est tenue en Islam pour livre révélé. Je doute qu’on la lise beaucoup. Quant à nous, peut-être est-ce un tort de négliger le Coran. C’est que, pour nos mentalités éprises de mesure, de clarté, il est cruellement diffus et obscur. Soit remarqué au passage, quoique niant la divinité de Jésus-Christ, la théologie musulmane lui attribue un caractère de prophète engendré par le souffle de Dieu (Sourate XIX, versets 16 et passim). Ce « Rouch Allah », n’est-ce pas le Verbum Dei? Quoi qu’il en soit, nous sommes les infidèles. Mais les vrais Croyants estiment que du moins doit-on croire en quelque chose. Et ils disent : « Un chrétien est inférieur à un musulman; un juif est pire qu'un chrétien; un idolâtre pire qu’un juif; un porc pire qu’un idolâtre; celui qui ne prie pas est pire qu’un porc ». Les Laghouatis parlent encore avec une considération attendrie de deux anciens commandants du territoire: les généraux de Sonis et de Ganay « qui étaient des hommes religieux. » Ce dernier aussi, ajoutons-le, à cause que : « Pense donc, madame, il dépensait au moins cent francs par jour » — mérite non moins considérable aux yeux de ceux mêmes qui n’en profitaient point. Je ne sais si les indigènes visitent parfois la basilique Notre-Dame d’Afrique. Assurément ils ne souriraient pas d'y voir en ex-voto la célèbre canne de Lamoricière —■ Bou-Hara-houa : « Celui de la matraque » — une médaille de Bugeaud, les épées de Pélissier et de Yusuf. « Intelligences non affranchies », dit la Libre- Pensée.des Batignolles S q u ’atlendre de traîneurs de. sabre? -— mais quand même des lurons. Ainsi du moins en jugent ceux qu’ils ont non-seulement vaincus, mais domptés, pacifiés et organisés. Tadjemout est, dans une maigre oasis, un pauvre ksar croulant. De la demeure du caïd, chez qui je couche, tout au haut de Tamphiléâtre, on voit dévaler sous ses pieds les cubes de boue désséchée qui constituent un village saharien. Le Bit-eUDyaf mis à ma disposition est, comme toutes autres « chambres des hôtes », meublé, avec une toilette fort sommaire, d’une couchette en fer garnie de draps douteux et de ces lourdes couvertures bariolées de Gafsa qui semblent des tentures décrochées de la muraille. Le lit est meuble européen par excellence, les Arabes s’en tenant aux matelas recouverts de tapis. Yahia-ben-Taouti appartient à la famille du bachagha Cheikh-Ali-ben-Salem. Ceci ne vous dit rien ; mais dans la région de Laghouat la signification en est considérable. Décoré, cela va de soi, parlant très bien le français, il me donne de son loyalisme et de celui des siens deux témoignages probants. Sa tribu a fourni cinquante volontaires aux tirailleurs. Entre nous, l’aridité de ce bled a sa part dans une aussi noble ardeur que stimule la prime ; cinquante douros ensemble ne s’y voient guère. Quant au caïd, son fils ainé, maréchal des logis de spahis auxiliaires, est prisonnier en Westphalie. Il sert d’interprète à ses camarades et s’occupe de la répartition des colis de couscouss, de dattes, de figues, de café par lesquels est adoucie la captivité 9


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