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un a grand », lequel est un bien petit compagnon. Plus nombreuses, les agglomérations nomades comme sédentaires constituent la ferka, ayant à sa tête un cheikh, «vieillard » qui peut-être fort jeune. Plus considérable encore, ce sont les tribus — arch ou nedja — dont tous les membres sont de souche commune, se disant beni-aus, « cousins », chacune subordonnée à un caïd. L’agha est le chef d’un groupement supérieur et au sommet plane le bachagha. Avant la conquête, ces titres se transmettaient par une hérédité pas toujours strictement régulière chez ces hommes turbulents. Sous des formes égalitaires la société arabe est foncièrement aristocratique. « Prends un buisson épineux. Arroses le pendant une année entière avec de l’eau de roses : il ne donnera jamais que des épines. Prends un dattier. Laisse-le sans eau : il donnera toujours des dattes. » Deux castes possèdent et se disputent la prééminence : les djouad — au singulier djiid — issus des conquérants de l’Afrique, et les cheurfa ¡jf pluriel de chérif — qui descendent de Fatma, la fille du Prophète. En des pays où notre organisation n’a pas réussi à créer un état civil, les arbres généalogiques, on le pense bien, présentent de nombreuses et profondes lacunes, des filiations faptaisistes jusqu’à l’impossible. Mais la tradition, les prétentions qui s’imposaient créaient la possession d’état. En bas les khammès, métayers fort misérables, assez analogues à des serfs; puis les laboureurs et les pasteurs, tous plus ou moins guerriers; ensuite une manière de bourgeoisie faite par les ksouriens, artisans et trafiquants — les sekakri, « marchands de poivre », ainsi dédaigneusement qualifiés par le nomade ; enfin la noblesse et l’Eglise ; « hommes de poudre » et « hommes de tapis », c’est-à-dire de sang militaire ou maraboulique — voilà à peu près notre féodalité, en combinaison avec le régime de la propriété tribale. Aujourd’hui, intermédiaires entre notre autorité et la masse, c’est de nous que les chefs tiennent l’investiture. Mais certaines familles ont conservé trop de prestige et d’influence pour qu’en faitne soitpas souvent respecté le principe de l’hérédité. Le chef indigène exerce des droits de police limités et contrôlés. L’essentiel de ses fonctions c’est la répartition et la perception des imoôts, dont il prélève le dixième. Cela s’appelle « faire suer le burnous ». Je ne discuterai point le sens péjoratif de cette ironique expression algérienne. L’impôt est de trois catégories. L’achour se paie sur la terre non possédée, mais cultivée, tant par « charrue », superficie variable selon la nature du sol. Le zekhat, taxe sur les troupeaux, et songez qu’un chameau est contribuable aux taux de quatre.francs. La lezma enfin, en Kabylie, est une capitation et au désert frappe les palmiers. Il est des caïdats très pauvres. A leurs titulaires le gouvernement accorde une allocation leur assurant l’appoint de cent francs par mois. D’autres enrichissent fort ceux qui en sont nantis. Au Sahara on a peine à croire que ce puisse être sinon par le tour de bâton. On aurait tort. Qu’y sévisse le pot de vin, si l’on ose ainsi dire en pays musulman, cela n’est pas douteux. Toutefois la population désertique n’est point négligeable matière fiscale. Je pourrais reproduire l’évaluation détaillée des troupeaux « le bien qui marche » — chevaux, armes, bijoux de femmes — article important — vêtements, tapis, tentes, ustensiles, grains emmagasinés, numéraire enfoui, constituant le capital d’un chef nomade. Elle se monte à quelque 23.000 douros : une belle petite pièce de 123.000 francs. Cela vous semble beaucoup?... A moi aussi. Celui qui l’a établi pourtant fait autorité en matière saharienne. Et depuis plus d’un demi-siècle qu’écrivait le général Daumas tout a tellement augmenté! Les Larbâa que nous ne voyons guère, perdus dans le bled, sont des cavaliers hardis et braves. Parmi eux se recrutent nos meilleurs goumiers. Ils nous témoignent de la fidélité. Peut- être à cause de leur inimitié héréditaire avec leurs voisins les Ouled-Sidi-Cheikh, dont l’hostilité tenace à notre domination s’est manifestée encore par la sérieuse insurrection de 1883. Aussi parce qu’ils sont intelligents et qu’un axiome de la sagesse arabe dit: « La main que tu ne peux couper, baise-la ». L’agha Djelloul est très représentatif du type de grand seigneur arabe tel que l’a, exlé- rieurement du moins, modifié la juxtaposition de nos moeurs à celles du Maghreb. Riche, autant qu’on le peut présumer, caries fortunes de ses pareils sont mal assises, rongées de dettesjus- qu à la garde, ce qui cahin-caha s’ajuste avec un train considérable de serviteurs, de chevaux, tout un apparat répondant tant aux goûts de faste et d’ostentation de la race qu’aux obligations de la dignité, remplies avec moins de bonne grâce que de magnificence. Peut-être l’avez-vous rencontré sur les boulevards, un de ceux qui, très décoratifs et très regardés, ne dédaignent point de s'y dissiper fort avec une impassible majesté et, loin des yeux de leurs coreligionnaires, s’oublient à sabler le champagne dans les grands cabarets de jour et de nuit. Cela dit sans viser personnellement l’agha des Larbâa, excellent musulman sans conteste, puisqu’il est hadji. Pour le moment, il revient du front de Belgique, où il était allé visiter ses goums qui y grelottaient. Dans la mesure où cela est légitime de le souhaiter de nos sujets arabes, celui-ci compte parmi les plus dévoués. Souvent il réside en une charmante petite villa juchée parmi les oliviers tout en haut de Mustapha. Les chefs à qui leurs moyens le permettent se rapprochent le plus souvent possible du soleil officiel. Toujours ils ont quelque requête à présenter pour leurs gens ou eux-mêmes, une cabale à déjouer, une intrigue à nouer, se défendre d’une calomnie, éclaircir, à moins que ce soit l’embrouiller, certaine affaire ténébreuse, protester de leur loyalisme, crier misère, chauffer la rosette, la cravate ou la plaque. Je ne mentionne pas le ruban, tellement il est prodigué sur les burnous. A Lâghouat, sa maison du chtett, sans aucune apparence la/ distinguant des plâtras voisins, est meublée à l’européenne, les appartements du moins où il reçoit. Très meublée même. Car le salon, étroit et long comme toutes pièces mauresques, comporte à chacune de ses extrémités un mobilier de préfecture, bois doré et damas de soie, l’un cramoisi l’autre bleu. De beaux tapis, des orientaleries plutôt de pacotille sont les seules notes locales relevant cette banalité. On la retrouve dans sa propriété du bled à


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