LAGHODAT 61 généralement doux, mélancolique et pâle. Souvent il est pieux. Celui-ci en particulier, fils d’un important mok kadem — sorte de docteur en théologie — de la zaouïa des Tedjanya où je me rends, comme tel persona grata auprès des marabouts. Le Prophète, on le sait, a prescrit cinq prières quotidiennes. Peut-être était-ce dans un intérêt hygiénique, puisqu’elles ont pour adjuvant des ablutions, le plus souvent d’ailleurs négligées et pour cause. Même ainsi simplifiée, aux musulmans mêlés à la vie européenne cette pratique n’est pas toujours d’un accomplissement facile. Cependant elle constitue un des cinq principes auxquels le culte islamique se réduit. Le plus essentiel est la profession de foi : « La ilaha ill Allah, Mohammed ressoul Allah. » L’index levé à hauteur des yeux au moment de la mort en est le symbole et la confession, lesquelles confèrent le salut. Au vrai croyant il ne suffit point d attester par la chehada que Dieu est unique — c’est vrai, mais on le répète par trop souvent. Il y faut encore le jeûne du ramadan, la dîme aumônière, enfin le pèlerinage de la Mecque lui mettant en poche la clé du paradis. Doctrine schématique bien faite pour une race dont 1 esprit paresseux et nébuleux, dénué de logique, par suite réfractaire au raisonnement, s assoupit sur des formules. Dogme assez pur en somme n’étaient les voluptés promises en récompense éternelle. Et on n’y va pas de main morte. A un cavalier qui fuyait le combat, son caïd s’efforçant de le ramener cria : « Quarante houris t'attendent au ciel. » C’est beaucoup. Ainsi pensa, modeste, celui-ci qui, éperonnant avec plus de force sa monture, riposta : « Fatma me suffit ». Le khodja fait sa prière. Face à l’Orient — l’Orient sacré d’où leur est venu le Livre — bras levés vers le ciel, paumes en dehors, il murmure les paroles rituelles, se prosterne, se relève, retombe sur les genoux, touche la terre du front, se redresse, s’aplatit de nouveau, se remet debout et recommence. Silhouettés dans l’air ardent et pur, ces gestes hiératiques ne touchent pas seulement à litres de manifestation spirituelle, mais prennent valeur d’art. Le gué est trouvé. Nous passons. Quels cahots!... Allah akbar !... Oui, Il est Grand, et il est Unique certes, mais pour l’heure II ne m’est pas Clément. Ces territoires sont les parcours des Larbâa. J’y roule dans la voiture de leur chef, double phaéton azur rechampi canari, des branches de fleurs peintes sur les panneaux. L’agha Djelloul- ben-Lakdar est le fils du grand bachaghaA. Il a autorité sur dix tribus faisant une trentaine de ; mille âmes. Ses frères Ben-Daoud, Yahia, Belkacem sont caïds, son fils aîné Dahilis caïd des caïds. Sagement nous avons laissé à ce peuple certains vestiges de sa constitution hiérarchisée. « Dès que vous êtes trois », dit Mahomet, « ayez un chef ». Quelques tentes ou gourbis plantés en rond forment un douar. Gens de même famille, ils reconnaissent la suprématie d’un kébir - 1. Depuis il en a reçu le titre.
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