ses et gens — oh ! peu, bien peu de gens, et de choses moins encore — noyés dans l’étendue qui semble plate, son uniformité abolissant les plans, et l’est si peu qu’une colonno en marche disparaît tout d’un coup dans un repli. La comparaison du désert avec la mer n’est pas uno vaine figuro do rhétorique. Nous voici dans une région d’alfa. Cette famille de graminée dont les vertus solides sont caractérisées par son nom botanique : stipa tenacùsima, et qui sert à fabriquer tapis, cordes, paniers, plats, papier de luxe, fourrage apprécié du cheval qui dans ses fibres aqueuses trouve à boire et à manger — l’alfa, pousse en grosses touffes donnant un aspect de houle accentué par son ton glauque. Nous y rattrapons la diligence. Bien qu’elle ait plusieurs fois relayé, finies les grandes allures. A peine si les mulets trottinent. Le soleil est cuisant, le sol dur. La femme à la mantille cependant a toujours le sourire, quoiqu’un pou contraint. L’Espagnol n’a pas encore perdu l’équilibre. La masse confuse et suante do l’intérieur, dans laquelle sont amalgamés les gros zouaves, déborde par les fenêtres aux carreaux cassés. La chaleur en effet ddate les corps. Je ne sais si le poisson est demeuré. Nous passons assez vite pour que nul parfum ne le révèle. Le désert étant très varié — si vous ne me croyez pas, allez-y voir, et c est la grâce que je vous souhaite — la mer d’alfa bientôt cède la place à un chaos de pierraille. Bientôt pour notre 18 H.P., mais des heures et des heures pour les charrettes à mules lourdement chargées de toisons en suint, sanguinolentes encore, qui remontent vers le Tell: quinze jours de marche depuis Laghouat. No fussent-ils pas coiffés du béret bleu, on reconnaîtrait des Basques dans leurs conducteurs, des hommes rudes, trapus, le front buté, l’oeil dur, les joues creuses ayant le grain et la couleur de vieilles tiges de botte, mines farouches de forbans, au demeurant les meilleurs fils du monde. Le convoi passé, de nouveau c’est la solitude entre le bleu vif du ciel et le jaune ardent d’un chapelet de dunes basses. Au loin des surfaces scintillantes comme du vif argent. Mirages?... Non : les Zahrez Gharbi et Chergui — de l’Ouest et de l’Est — chotls très salins que l’été n’a pas encore desséchés tout à fait. Autre aspect en un point d’eau où nous faisons halte pour rafraîchir le moteur, et dit « la Mare de l’Ecuelle ». Ecuelle soit, celte dépression, sensiblement circulaire. Mais où est la mare?... On nous rit au nez. L’eau existe, puisque voilà des ar- bres, si l’on peut ainsi dire de maigres et funèbres thuyas, de tristes jujubiers hérissés. Demander à la voir est oublier où nous sommes. Au demeurant ces tentatives de végétation sont affligeantes. Il faut être ce qu’on est. Plutôt cet entassement énorme et fantastique, que nous è&ntournons, de blocs étranges aux tonalités violâtres avec des coulées de rouille, dont la surface spongieuse est saupoudrée d’un gris sale, malsain, semblant une lèpre. Apprenant que c’est une montagne de sel, je rends mon estime à cette agglutination inquiétante. En cet instant précis le soleil, très avancé dans sa course, la drape d’un triomphal manteau de pourpre. Des prismes s’allument aux facettes de ses roches à arêtes vives. Une splendeur illumine l’horizon. Le bleu profond de
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