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VERS LE DÉSERT 86 De bon matin je monte à cheval pour grimper, par une assez mauvaise roule en lacets de neuf kilomètres, à Boghar, qui face au ksar de Boghari, domine de trois cents mètres la vallée du Chélif. Ce n’est, au milieu des bois de pins, qu’un poste militaire. Il fut romain les positions stratégiques sont immuables — puis Abd-el-Kader en fit un de ses réduits. Le général Baraguay d’Hilliers le lui enleva. Depuis lors, c’est nous qui de là commandons les routes du désert. L’hospitalité de l’administrateur et du mess des officiers me permet d’y passer vingt- quatre heures. La grande redoute, au pied de laquelle s’abrite dans les amandiers et les mûriers un rustique petit village de colons, est considérable. Sa garnison do tirailleurs rappelés au service pour la durée de la guerre doit aux événements une certaine importance. Ils encadrent des recrues dont l’instruction est intensive. Afin de provoquer les engagements, ce dépôt possède une petite nouba qui parcourt le pays, accompagnant des sergents beaux parleurs. Si un instant on en oublie la signification douloureuse, ce fracas guerrier reporte aux temps héroïques de l’Algérie, dont vivent ici de grands souvenirs. C’est de Boghar pris pour base que partit la poursuite ardente de la Smala, atteinte à quelque quarante lieues. J’avais dessein d’accomplir ce pèlerinage en mémoire d’un de mes très proches qui eut la bonne fortune d’en être. Sur la carte, tout est simple. Piste fréquentée par les caravanes et de là, via Zenina, je gagnerais Laghouat, mon actuelle destination. Arrivée à pied d’oeuvre, je bute sur des difficultés. Volontiers on me donnera un cheval et un guide. Mais, dans cette région marécageuse, les terres ont été détrempées par de récentes pluies. Sauf au bordj de la commune mixte de Chellala, je ne trouverais aucun gîte sur une distance de deux cents kilomètres. Parcours d ailleurs monotone, dénué d’intérêt. J’y renonce et me console en me remémorant le détail de ce fait d’armes. La colonne formait deux échelons. D’abord un bataillon de zouaves, six cent chevaux, moitié chasseurs d’Afrique, moitié spahis, et une section de montagne. Ensuite deux bataillons des 36* et 64« couvrant le convoi de 800 chameaux et mulets qui portent pour vingt jours d’eau, de vivres et d’orge. En tout moins de 2.000 hommes. Une zmala - telle en devrait être l’orthographe phonétique — c’était, on le sait, une ville nomade, avec femmes, enfants, trésors, troupeaux. Celle d’Abd-el-Kader comptait 7.000 tentes et quelque 18.000 âmes, dont 3.000 combattants. Elle se dissimulait si bien que, pendant plusieurs jours, le duc d’Aumale, égaré par de faux avis, erra au hasard à sa recherche. Marches dangereuses, entourées d’ennemis invisibles qui rôdent, renseignés par la trahison, guettant la moindre défaillance. Emporté par 1 ardeur de ses beaux vingt ans, le chef se porte en avant avec la cavalerie. Les éclaireurs découvrent enfin, masqué par une ondulation du terrain, le camp établi dans les bas-fonds de Taguine. On est un contre cinq. Les aides de camp du prince lui conseillent de se replier pour attendre les zouaves et les canons, qui sont à deux heures en arrière. Un agha, qui est des nôtres, mettant


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