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van on maçonnerie recouvert de nattes. Sur les murs au badigeon écaillé vert et bleu pâles, or. nés do chromos représentant principalement des types féminins do tous pays, une raie de crasse marque la hauteur des têtes de ceux qui s’y asseoient, jambes croisées. Dans un angle, le fourneau au charbon do bois. Les faïences qui l’encadrent, dans les tons bleu sourd, vert froid, jaune citron, et quelques touches orangé, n’ont rien de commun avoc les uzulojos décorant les turbés des sultans à Brousse. Camelote dont cependant, fondue encore par les fumées, l'harmonie éteinte satisfait l’oeil et que les maçons indigènes disposent avoc uno fantaisie agréable dans son incohérence. En face, enfouis sous le burnous, les musiciens, complètement abrutis. Trop éveillé au contraire, la première flûte, joli garçon do type équivoque, on culotte mauve, veste pistache et gilet beige. 11 va, vient, se démène. En mon honneur il ultaque sur son aigre instrument aux assourdissantes stridences la Marseillaise — horreur! Un autre indigène à majestueuse tournure de caïd semble faire les honneurs. Il sort un instant et nous amène des danseuses. Elles sont laides, mal fagotées dans leur velours de coton fripé de couleurs criardes, des gazillons lainés d’or terni et d’argent rougi taponnés n’importe comment autour des cheveux acajou sale tordus avec des fils de corail. Le patron s’évertue à la mettre en verve, le tar et la derbouhi tapent avec fénésis, la g’haïta, la gasba glapissent à tue-tête. C’est sans grand effet. Il fait froid ce soir — froid pour elles — et cela glace leur inspiration. Le peu qu’elles exhibent de leur talent manque d’intérêt. On s’excuse et nous explique. C’est la morte-saison. Les étoiles travaillent dans le sud : à Biskra, à Touggourt — comme chez nous elles font la Côte d’Azur. D’autres se reposent dans leurs terres. Car elles placent leurs économies là-bas, vers Messad, Djelfa, au coeur du territoire des Ouled-Naït, leur patrie, où souvent finissent-elles dans la peau d’une respeclable autant que riche matrone. Celles qui restent à Boghari sont très « purée ». Et cet état résultant de l’infériorité de leurs charmes et mérites, je comprends la désillusion que me donne cette soirée. Tous les clients ne sont pas de mon avis. Témoin ce nègre superbement découplé qui, drapé à l’antique dans sa djellaba en poil de chameau, brun rayée de jaune, le corps penché en avant comme à l’appel du désir et reposant sur son bras replié — attitude sculpturale vraiment — dévore avec des yeux de luxure ces piètres hétaïres. Dans le noir absolu de son visage luisant, que souligne l’écarlate de la chéchia sous laquelle le crâne tondu ras hausse le front lourd, les deux globes laiteux des prunelles répondant à la ligne brillante des dents de jeune loup, celte tête semble une boule d’ébène incrustée de nacre et d’ivoire. Allons, au Sahara je verrai mieux. Le café bu — par respect on nous l’a servi sur un plateau et dans une buire de cuivre — un bakshich à l’orchestre et nous descendons par les ruos maintenant muettes comme la tombe, toutes bleues de lune sous un ciel profond, palpitant d’étoiles. Cela est beaucoup plus beau. Danse d’Ouled-Naïls


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