CHAPITRE II I VERS LE DÉSERT Au grand artiste qui vers 1850 a découvert l’Algérie nous devons, sur les gorges de la Chiffa, des impressions dithyrambiques à l’excès. Il les a regardées d’un oeil qui ignorait les Pyrénées et les Alpes, les Dolomites, les Carpathes, les Balkans. En même temps que l’Orient lui était révélé par le Maghreb, cet occident profondément orientalisé en effet, l’Atlas lui révélait la montagne. Il a vu grandiose ce qui n’est que grand, farouche de la simple sauvagerie. En Algérie même, bien que 11e méritant pas son nom horrifique « Défilé de la mort », le Chabet-el- Akra, qui, entre Bougie et Sétif, entaille un massif des Babors, offre des aspects plus saisissants peut-être. Mais ne le reprochons pas à Fromentin: c’est dans cette fraîcheur un peu ingénue de sensations qu’il a puisé la sincérité, la force et la grâce à la fois de ces pages de peintre qui est un écrivain et d’écrivain qui est un peintre. A la vérité goûte-t-on mieux pédestrement la beauté de ce site un peu surfait. L’automobile passe trop haut sur la route en corniche, bordée de nopals dont beaucoup ont poussé leur fleur. Mot absurde pour la maigre chose verdâtre, au bout d’une hampe rigide haute de plusieurs mètres, que celte plante étrange produit une seule fois et en meurt aussitôt. La voie ferrée ne gâte pas trop le paysage, se dissimulant avec discrétion sous de nombreux tunnels. On monte, on monte par de longs lacets au flanc du Nador, entre des croupes couleur d’ocre. De rares et pauvres douars s’y accrochent, les gourbis en boue séchée aplatis sur le sol avec lequel ils se confondent. On ne les reconnaît qu’aux buissons de figuiers de Barbarie qui les entourent, tant ressource comestible, combien médiocre, que défense contre qui?... L’indigène est retiré, soupçonneux, cachotier : il enveloppe de mystère sa vie et sa demeure. Apre
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