jeunes nobles castillans tenant en laisse ou portant au poing chiens de prix et oiseaux rares, avec quatre vierges d’une grande beauté, richement vêtues et montées sur des genêts andalous. Joli cadeau à faire à un enfant... Appelé à la rescousse par le pacha d’Alger pour le délivrer de la garnison espagnole du Penon tenant la ville sous ses feux, «Barbaroxa», afin d’avoir ses coudées franches, supprime l’imprudent Selim-el*Tounsi, qui fut étouffé dans son bain. Soldat autant que marin, il étend sa domination dans le Tell. La besogne lui est facilitée par une anarchie plus profonde que jamais. Puis il sait employer des procédés simplificateurs : ainsi, à Tlem- cen, pour mettre fin à la dynastie zeyanite, en noyer les vingt-deux rejetons dans le Sahridji, cette vaste piscine aujourd’hui à sec, théâtre de leurs naumachies. Manchot comme était boiteux Tamerlan, ce forban, qui périt dans un obscur combat, a sa place, bien que de moindre envergure, parmi les grands conducteurs d’hommes. Après tant d’admixtions et d’infiltrations, l’Algérie non moins que la Macédoine aurait pu donner son nom à certain excellent mélange culinaire. Ces habitants du Maghreb, qu’avec exactitude nos pères qualifiaient Maugrabins, ne constituent pas un élément ethnique caractérisé. Avant l’invasion sémitique, quelle proportion de sang européen s’était introduit dans celui des autochtones? En Aurès se rencontrent des masques romains. Les gens de Tébessa, comme Lambèze, comme Timgad, cité de la légion Terlia Augusta, se disent « Roumi », le mot, ici ne signifiant pas chrétiens. Dans la région du Saf-Saf, proche Constantine, se trouvent les Ouled el Djouhala : « fils de païens ». Certains types portent la marque hébraïque. Dans les querelles de tribus kabyles il en est une qualifiée Ben-Yaoudi, le nom de jiiif pris en un sens injurieux. Les Chaouias de l’Aurès, parmi lesquels les blonds ne sont point rares, les roux surtout, ni les yeux bleus, ne seraient-ils pas issus des Vandales survivants réfugiés, dit Pro- cope, sur ces crêtes inaccessibles? Une tribu kabyle est dite les Ouled-el-Askri, « fils de soldats ». Il n’est pas téméraire de les présumer descendants de mercenaires gaulois ou baléares à la solde de Carthage, non plus que les Aït-Fraouen — « Francs? » —des auxiliaires sardes, bretons, dalmates et sicambres de la III0 légion, qui naguère occupait précisément leur territoire. Les Phéniciens, c’est leurs rejetons peut-être que nous retrouverons au Mzab. Ces« Taga- rins » qui à Alger peuplaient un quartier haut entre la Kasba et le Fort l’Empereur, c’était des « Morisques », des « Andalous », les nommait-on ainsi, étant retour du bled-el-endalous, et métissés assurément d’espagnol. Leur exode dura deux cents ans et il en revint, croit-on, quelque trois millions. Le croisement des janissaires turcs, bon nombre desquels étaient originaires de Circassie, avec les femmes indigènes avait donné ces coulouglis dont les descendants ont largement contribué au recrutement de nos premiers régiments de tirailleurs, d’où leur nom populaire de lurcos. Dans certaines régions sahariennes, les négresses importées du Soudan ont fortement mâtiné de sang noir la population arabe ou berbère. Et toute cette écume de renégats corses, génois, siciliens, vénitiens, albanais, calabrais, maltais, dalmates, grecs, catalans, qui à la suite des grands aventuriers infestaient Al-Djezaïr, que n’y ont-ils pas laissé de leur race? Et les captifs aussi— il y en eut même d’Anglais, de Flamands — y passant des années, parfois leur vie entière. Et les captives donc, qui, vendues à l’encan, non seulement peuplaient les harems des pachas et des reïs, mais procréaient chez les riches Arabes de l’intérieur rT c’est dans les grandes familles apparemment que survit le plus de leur atavisne, généralement italien, espagnol ou provençal. Et quoi encore?... Non loin de Meknès, par-dessus la cité romaine gracieusement dénommée Volubilis, qu’on commence à exhumer, va s’effondrant le Ksar-Faroun. Quels Egyptiens s’étaient établis en cet extrême Maghreb? L’amalgame néanmoins produit par tant d’apports est assez homogène. En Kabylie le type primitif demeure à peu près dans son intégrité. Mais ailleurs, par l’ascendant de la race conquérante, imposant sa foi et ses lois, sa mentalité, ses moeurs, l’Arabe le plus souvent s’est as-- similé le Berbère. Bien des tribus autochtones renient leur origine ou l’ont oubliée. Et la fusion de ces deux éléments a absorbé les autres. Résultat dû surtout au plus puissant réactif qui soit: la religion. Ce sont les compatriotes du Prophète qui ont importé l’Islam au Maghreb. Cela aurait suffi pour leur conférer la prédominance. Voilà pourquoi, en contradiction avec le point de départ do ce trop long développement, bien que l’Arabe pur sang donne seulement, grosso modo, un million contre deux— les deux autres cinquièmes faits do Maures, de nègres et de « Beni-Ramassés » — ce n’est pas tellement absurde après tout d’attribuer son nom à tous porteurs de burnous. 9 9 Le Kabyle se distingue aisément de l’Arabe. Coupe de visage moins ovale, profil moins aigu, nez moins aquilin, front moins fuyant, sourcils moins arqués, physionomie plus dure mais marquant moins de ruse. L’immigré d’Asie est plus souple que fort. Par atavisme de cavalier, il a les jambes trop longues en proportion du buste; sa poitrine est trop étroite pour sa taille. L’indigène africain présente une moindre distinction de type. Auprès de la finesse de celui là, il semble un peu lourd. Moins usé aussi, la monogamie l’ayant préservé de cet épuisement spécial aux autres peuples musulmans. Tout en lui donne l’impression d’une supériorité d énergie, de robustesse, de cette solidité qui fait défaut à l’Arabe, essentiellement nerveux et instable. Celui-ci, assure un dicton local, a dans la (ête un tambour, celui-là un caillou. En ce pays où tant de choses se lisent sur le sable, on a observé que l’empreinte du pied nu d’un Kabyle est plus appuyée, plus profonde que celle même de l’Européen. Il est permis de prêter à celte notation un sens symbolique.
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