de la cilé barbaresque qui descend sur la Marine? Et la ville haute aussi, il se trouvera une municipalité béotienne pour la raser sous prétexte d’hygiène. A la vérité prend-on souci de la couleur locale en édifiant des monstruosités comme la nouvelle préfecture, l’hôtel des postes, méritant certaine épiLhète dont nous raillons la lourde mégalomanie germanique. Môme, si ne les sauvait l’enchantement de ses jardins des Mille et une Nuits, combien fâcheux les agrandissements du Palais d’été. Faire du « lcolossal » avec de l’art arabe !... La beauté d’un édifice repose essentiellement sur la justesse des proportions. Déplacez-les, vous déséquilibrez la masse, vous faussez le style. Quiconque a goûté la noble eurythmie du temple de Thésée ressent douloureusement l’église de la Madeleine. Amoindrir est dangereux, agrandir est funeste. Réduit en bibelot, le sublime Moïse de Saint-Pierre-aux-Iiens perd sa signification; mais allez donc mettre une Tanagra à l’échelle de la victoire de Samothrace... L’architecture mauresque est toute grâce un peu mièvre, élégance frêle jusqu’à la maigreur, petite en somme, au sens aimable du mot. Elle vaut par le souple jaillissement des lignes, par un sentiment délicat des valeurs, subtilement fondues ou opposées librement, par certaine atmosphère d’intimité mystérieuse. De n etre pas forgé par la sévère étude de la figure humaine, le dessin musulman est sans solidité, rachetant ce défaut par la finesse, l’ingéniosité, la richesse, sobre pourtant, dans le détail d’ornements qui, toujours pareils, savent, mais oui, être toujours variés. L’asymétrie confère un charme aux édifices do faible dimension dans lesquels ce style se confine. Dès que vous les amplifiez, ce qui était fantaisie devient incohérence. Ils se dégingandent, ils sont en l’air. Le caractère en est perdu, leurs faiblesses, qui s’accentuent, cessent d’être une grâce. Et puis, où est la spontanéité, celte vertu maîtresse de l’art ? Ce n’est plus que du plaqué. Peut-être néanmoins convient-il de se montrer indulgent. Ce doit-être fort malaisé de créer un style néo-algérien. A telles enseignes que le très entreprenant maire de Conslantine dote sa ville de monuments administratifs en simili-Trianon. ç a Ce qu’Alger a par-dessus tout et dont no le dépouillera aucun des vandalismes de la civilisation, c’est son merveilleux Sahel. Bien que proprement ce mot signifie « littoral », il désigne l’hinterland des cités maritimes. Et si la côte de Bougie, toute en corniche jusqu’à Djidjelli, est d’une beauté sans égale, de laquelle n’approche pas, même de très loin, celle d’Alger, au Sahel d’Alger par contre nul autre n’est comparable. Terre ardente d’argile rouge qui, cuite et recuite au soleil, se craquèle comme poterie dans un four surchauffé et, dès que l’humecte la moindre infiltration, revêt un manteau d’herbes aux chauds effluves aromatiques. Des lacis de ravins la sillonnent, pentes fourrées de jujubiers, de caroubiers, de lentisques, de ricins, de lauriers, de spina-christi, où éclatent les pompons de soie jaune des mimosas, les étoiles roses des oléandres, les taches écarlates des grenadiers, les arbouses semblant des fraises, les corymbes des myrtes à couleur et senteur de miel. Et partout les cloches de pourpre, ici énormes, des volubilis s’enroulant jusqu’à la cime des arbres, drapant de leur élégance les troncs décharnés, les buissons épineux. Au fond des gorges, le filet d’eau, bien frêle, qui patiemment les a creusées, invisible sous un épais tapis de graminées, donne la vie à des vergers tout en fraîcheur : orangers et citronniers au feuillage luisant, portant à la fois leurs fruits et leurs fleurs, gros figuiers tortus aux racines traçantes, mûriers en dôme touffu, amandiers fleuris de neige, parfois un saule argenté, un tremble clair. Une petite forme blanche s’y terre dans l’ombre humide, égayée de géraniums et de rosiers. En haut, les crêtes arides se hérissent d’aloès rigides, de cactus revêches, gardiens de ces oasis. Sur les talus des chemins creux, que retiennent les souches déchaussées d’oliviers très vieux, entrecroisant leurs rameaux en voûte légère qui atténue la lumière violente, parmi les fenouils à l’odeur amère et forte, les hautes asphodèles balancent leurs grappes grêles, d’un rose si pâle, si pâle qu’il semble agoniser. C'est pourquoi sans doute le paganisme en ornait ses tombeaux. Entre tous ces vallonnements, des vignes, des cultures. Terre généreuse, qui sait être féconde et demeurer en beauté. Terre brûlante, mais non brûlée, s’épanouissant, superbe, sous le baiser du soleil qui féconde ses entrailles. Inlassablement on erre dans cette campagne dont lignes et couleurs se fondent en une vibrante, une puissante symphonie. Couleurs dont l’éclat n’éblouit point à cause qu’elles s’enveloppent dans les mauves délicats, les violets profonds des ombres; lignes sobres, nettes, hautaines, mais s’adoucissant d’une grâce sauvage. Les gens précis qui tiennent à motiver leurs pas choisissent des buts. C’est Birmandreis, Birkadem, Tixeraïn, les cafés maures d’IJydra et de Iiadous. Us descendent le ravin de la Femme Sauvage qui, au déclin du jour, prend ma foi mine farouche. On y hâte sa course, soulagé de rencontrer les gourbis en boue, lattes, branches sèches et vieilles boîtes à sardines des cantonniers kabyles dont les rébarbatives épouses, qui cuisent le couscouss au revers du chemin parmi la marmaille quasiment nue, se détournent à votre passage, tandis que grondent, hargneux, les chiens maigres à long poil blanc et museau de loup. Encore peut-on chercher, au milieu des pins d’Alep, le marabout de Sidi-Medjebar, à qui les divorcées vont demander un nouveau mari, ou bien celui de Sidi-Yahia, perché en haut d’un bois d’oliviers vénérables. Des malades y viennent en pèlerinage, traînant leur fièvre parmi les sépultures depuis longtemps oubliées sur lesquelles des pigeons bleus roucoulent dans le soleil. Aussi, par des sentiers tout parfumés on no sait de quoi, grimpe-t-on à Iiouba, où, dos jardins de l’ancien séminaire, l’oeil ébloui embrasse, dans sa courbe voluptueuse, toute
27f 123
To see the actual publication please follow the link above