Page 13

27f 123

vale en creux d’un polit ravin, c’est, ombragé do cyprès, un charmant spécimen de ces menus arrangoments architecturaux arabes, tirant leur grâce du défautd’ordonnanço. Mosquée au subtil délaiUornemenlal de bibelot, kouba où le pieux personnage repose sous le iaboul drapé de soieries somptueuses, délicieusement fanées, patios à arcades basses revêtues de faïences, donnant accès à dë mystérieux logis — sans loi apparente, par la vertu d’une élégance propre, d’une libre fantaisie, d’une juste et délicate harmonie naturelle, tout cela s’ajoute au petit bonheur. Et ce bonheur est rare. Dans la pénombre chaude dés sanctuaires, pieds déchaussés croisés sous_, l’enveloppement blanc du burnous, de3 dévots-rï.beau prétexte à somnolence-Ssont hypnotisés dans leur rêve, le chapelet de bois s’égrenant vaguement entre les doigts endormis. A l’entour, parmi les romarinsetlos sanlonines,un petit cimetière de l’uniforme modèle : dalles étroites et longues, figurant le corps, avec une pierre à la tête, une aux pieds et, pour les femmes, une au milieu. Dans le marbre ambré ou dans le plâtre encadré de carreaux émaillés bleus et verts, un trou en écuelle pour que les oiseaux y viennent boire. Michelet n’était qu’un plagiaire.’Elles sont toutes semblables. « Le tombeau de l’avare,et celui du prodigue ne diffèrent point: deux mottes de terre recouvertes d’une pierre plate. » Ainsi parle le moallagha — « collier » de poésies — d’Amar-Ibn-Çalthoun. Un de .ceux-ci — lequel? — est celui d’un considérable seigneur, ce dernier prince de Gonstantine qui, le 11 octobre 1837, répondait à un parlementaire : « Si les chrétiens manquent de poudre, nous leur en donnerons. Mais tant qu’un de nous sera vivant, ils n’entreront pas dans la ville. » Vanité des mots... Le surlendemain, au prix de pertes cruelles, à commencer par le maréchal Danrémont, nos troupes emportaient d assaut la forteresse naturelle depuis Massinissa réputée inexpugnable. Et nombre de ses défenseurs étaient encore de ce monde, y compris le bey Ahmed, qui survécut longtemps à sa déchéance. Non d’ailleurs — justice soit rendue aux braves— sans avoir dix années durant tenu contre nous la campagne. Banale si l’on veut, la flânerie dans la Iiasba. On y prend néanmoins, très fortement, contact avec l'âme indigène. Masse compacte et confuse de maçonneries vétustes qui, pour no pas crouler, s’étayent les unes les autres, dans l’ombre morne de ses ruelles en escalier, le mystère de ses façades aveugles et muettes, elle figure bien le -sépulcre d’Al-Djezaïr. Le peu do vie qui l’animé semble celle d’Un corps paralysé par les extrémités. Refuge de la torpeur où s’engourdit. l’Islam; sourd aux échos de l’activité européenne: roulements de tramways,.cornes d’automobiles, sirènes du port. En. deséohoppos; minuscules, asSis à jambes rebindaines sur une natte- d’alfa, des hommes barbus jusqu’aux yeux cousent avec gravité des gandouras, gansent des burnous, soutachent des vestes. D’autres piquent dos babouches, brodent en soie et en or sur cuir ou sur velours, sculptent le bois de cèdre et l’incrustent de nacre, martèlent des plateaux de- cuivre, cisèlent des bracelets d’argent. Leurs longs doigts blancs et fins tels ceux des femmes. Au cimetière d’El-Kettar (Alger)


27f 123
To see the actual publication please follow the link above