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aussi, le foudouk pareillement, les indigènes n’ayant pas plus à faire ici que les Européens. Amas de plâtras qui vont s’écaillant au soleil, s’effritant sous le sirocco. Dans peu d’années Beni- Ounif ne sera plus qu’un poste militaire. Et c’est plus avant dans la course au Sud que sera édifiée une aussi passagère capitale de ce territoire dont l’organisation ne saurait marcher du même pas que l’extension. Site au demeurant de nul intérêt, grillé, éventé, ensablé. Ce matin j’ai dû pousser des eris d’orfraie pour qu’on vienne débloquer ma porte devant laquelle, par la nuit de tempête, s’était amoncelée une dune. Voyez combien ce bas monde est le domaine du relatif. Le cadre des affaires indigènes étant très réduit par la guerre, c’est un lieutenant interprète qui fait fonctions de chef d’annexe. A le voir jaune comme un coing et maigre à faire peur, on se récrie sur l’insalubrité du climat. Eh bien ! pas du tout. C’est du Tchad qu’il a rapporté celte mine. Demi- mort de dyssenterie, d’anémie et du foie, quatre mois de voyage à cause de son extrême faiblesse, on l’a placé ici en convalescence. Evidemment cela ne vaut pas Saint-Moritz. Mais Beni-Ounif est le vestibule du Figuig. Et le Figuig, de grâce, allez-y. Vous aviez raison, mon lieutenant, qui là-bas, vers les confins tunisiens, me recommandiez de ne point quitter l’Algérie sans avoir ici touché la terre du Maroc. Afin d’accomplir ce raid j’ai couvert en dix jours deux mille cinq cents kilomètres et, d’une traite, trente-huit heures de chemin de fer. Je ne le regrette pas. Tout cela pour une oasis, quand on en a déjà tant visité?... Oui, mais celle-ci ne ressemble point aux autres. Mieux?... C’est toujours mieux, le pas encore vu. La frontière idéale entre l’Algérie et le Maroc est marquée par la Zousfana. Franchie à gué, l’eau mouillant à peine les boulets du cheval, une barrière physique se dresse, chaînon de médiocre élévation qui masque le but. Que vous le traversiez par l’un ou l’autre des étroits kheneg qui l’échancrent : le col de la Juive, ceux de Zenaga ou de Tarlat, vous vous trouvez sur un moutonnement léger de sables où s’enfoncent des palmiers clairsemés, parmi lesquels éclate le blanc éblouissant de petits marabouts solitaires. Théâtre du guet-apens qui déclancha notre occupation. Sur place elle m’est expliquée par un témoin oculaire. Tout frais débarqué du Pa- lais-Bourbon aux roueries très différentes de celles du bled, le nouveau gouverneur général tenait essentiellement à n’avoir avec les gens du Figuig que des entretiens amicaux. En vain le commandement -SSen l’espèce le général O’Connor — lui représente combien imprudente une démarche si elle n’est appuyée d’une bonne petite colonne. Il lui expose l’état d’esprit de populations inaccessibles à tous autres arguments que les baïonnettes, ayant besoin de voir ces baïonnettes pour y croire, depuis si longtemps enfin que nous respections leur territoire, refuge de déserteurs, pourvoyeur de rebelles, persuadés de l’impuissance de la France vis-à-vis du Figuig. Mais allez donc écouter ces sabreurs, étrangers aux beautés de la diplomatie et qui, pour gagner un bout de galon, de ruban, feraient battre les montagnes ensemble... Le grand chef avait été, à Paris, mis en gardé contre ces déplorables tendances. Il impose donc sa volonté formelle de ne se présenter qu’avec une faible escorte d’honneur. On s’incline, non sans prendre quelques précautions discrètes. Le peu de monde qu’on a sous la main est embusqué dans les replis. Le cortège s’avance en bel arroi. Déjà on aperçoit l’enceinte de Zenaga, où doit avoir lieu l’entrevue, et qui se couronne de burnous au milieu desquels luisent des canons de fusil. C’est pour mieux accueillir « le dey » : il n’est ici bonne fêle sans que parle la poudre. Et voici la première salve. Seulement des balles sifflent devant* derrière, de tous côtés parmi les palmiers. Des blessés tombent, des morts. Stupeur et affolement. Si le sentiment de leur responsabilité avait laissé aux militaires loisir de rire, ils y eussent trouvé sujet dans certaines fuites éperdues que rendaient plus comiques encore des inexpériences en matière d’équitation. M. Jon- iiart cependant donne l’exemple de la tenue. Très bravement il veut faire tête de sa personne. Mais la toge à présent le cède aux armes. Par les petits sillons qui se creusent dans la houle des sables on défile l’élément civil lequel, lui excepté, ne se le fait pas dire deux fois. Puis, au prix de pertes assez sensibles, on se replie en bon ordre. Finie, la pénétration pacifique. Le mouton était devenu enragé. Hic et nunc il aurait fallu châtier l’insolence. Contenant cette ardeur belliqueuse, le général demanda huit jours pour avoir des renforts, du canon. La semaine suivante, après un bombardement instructif, on entrait dans la place sans une égralignure. Les Figuiguiens étaient fixés. Et sur le terrain de cette échauffourée une faible femme aujourd’hui, suivie d’un simple cavalier bleu, chevauche en sécurité parfaite. Bientôt s’ouvre à la vue un très vaste bassin que de trois côtés ferment de rouges escarpements altiers et farouches. Vers le maghreb fuit en s’abaissant la plaine marocaine. Au milieù de cette dépression, la palmeraie. Non, comme tant d’autres, pareille à un burnous vert étalé sur le sable, mais mouvementée en gradins. Le raidillon qui s’y engage, tellement étroit par places que le fer des étriers gratte le pisé des clotûres, serpente au flanc de grès rouillés, affouillés par les eaux en excavations profondes, tuyaux d’orgue, stalactites et stalagmites. On y voit même des cascades. Cascatelles tout au plus. Assez cependant pour donner la chanson d’un ruissellement frais. Les sept ksour du Figuig sont bâtis sur des sources, un excepté. Pour remédier à leur pénurie, les habitants de Zenaga avaient froidement détourné au moyen d’une feggara — canal souterrain, à quoi les gens d’ici excellent — celle d’El-Oudaghir, le défendant ensuite par un bridja, c’est-à-dire fortin, contre de justes revendications. Tant bien que mal, on s’est accommodés depuis. L’hydraulique est un art que nous n’avons pas eu à leur enseigner. Parfaitement conçu leur réseau de feggaguir amenant l’eau dans des réservoirs d’où des séguias, qui sont à ciel ouvert, la distribuent aux cultures. Le moul-el-mâ, « maître de l’eau », ouvre, ferme, me


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