récemment incorporé à l’Algérie. Etait-il marocain? Dans le doute, favorable à leur duplicité, certains chefs avaient deux sceaux pour en faire usage selon que l’intérêt les inclinait vers 1 autorité chérifienne ou celle de la France. Leur soumission n’a point été une promenade militaire. Si la première page des journaux à gros tirage ne s’était point consacrée exclusivement aux exploits des escarpes avec leur iconographie, elle aurait pu donner place à des récits héroïques ainsi qu à des portraits de braves gens. Le fait d’armes d’El-Moungar émule celui, immortel, de Sidi-Brahim. Au ^Puits-des-Gazelles, une colonne perd dès le début la moitié de son effectif. Presque tous blessés, les survivants font tête, tandis qu’un tirailleur est dépêché pour demander du renfort. Nouveau soldat de Marathon, il couvre cent kilomètres en vingt- quatre heures et vient tomber mourant sur l’escalier du mess. A l’affaire de M’Tarfa, où on se bat dans les dunes, à midi, par 70° de chaleur, les hommes préfèrent s’offrir aux balles que demeurer à plat ventre dans le sable embrasé. La surprise du poste de Timimoun a inscrit une page d’honneur dans les annales des bataillons d’Afrique, comptant déjà celle de Mazagran. A la vérité est-ce leur peau qui était l’enjeu de ces corps à corps au couteau avec l’ennemi entré dans la place en rampant. La lutte cependant s’ennoblissait de l’image du drapeau flottant au-dessus d’elle. Aussi ne siérait-il point de marchander l’éloge à ceux qui, en se défendant, le défendaient. Faute de pouvoir récompenser individuellement des hommes dont plus tard, mis bas l’uniforme, le ruban jaune serait sali dans toutes les fanges, on les glorifia collectivement par le nom « Cour des Joyeux » inscrit sur une plaque au centre du bordj. Par bien d’autres épisodes encore, à l’époque W voici une quinzaine d’années — mentionnés en quelques lignes de journal, distraitement lues entre le compte-rendu d’une première et les détails d’un crime crapuleux, la frontière marocaine a été reculée de quelque cinquante kilomètres vers l’ouest, élargissant d’autant le territoire algérien1. Le Touat dont c’est ici la roule, nom global d’un chapelet d’oasis '^ tel est en idiome temachek la signification du nom — s’allonge en ligne filiforme au coeur des Ergs torrides. Un dicton local assure qu’une jument saillie à l’entrée de cette avenue de palmiers met bas à la sortie. Tenons nous en aux précisions géographiques : quelque 600 kilomètres de long. 350 villages y prospèrent, vivant de leurs dix millions de dattiers et de moutons dont la température a modifié le vêtement en poil au lieu de laine. Du moins me l’a-t-on dit : je ne les ai point vus. Soit mentionné à titre de curiosité, dans un livre du temps où ces régions étaient enveloppées du plus épais mystère j’ai lu que les Touati seraient issus du métissage de Touareg avec des Portugais captifs. Cela au témoignage d’un fonctionnaire colonial qui avait subi le même sort. Assertion fantaisiste sans doute, mais en valant une autre. Car nous n’en savons pas plus long que les 1. OEuvre à laquelle demeurera impérissablement lié le nom du général Laperrine qui, tandis que ces lignes étaient sous presse, a trouvé une mort tragique dans ces mêmes régions farouches où il était respecté et aimé autant que redouté. anciens sur ceux qu’ils appelaient Gétules, Garamantes, Lotophages. Ces oasiens étant, en leur qualité de sédentaires, relativement policés et pacifiques, ont accepté sans trop de mauvaise grâce notre autorité, protection contre leurs voisins et cousins les Ahaggar. Tenir ceux-ci en respect est l’objet de notre établissement au Gourara, au Tidikelt, au Tafilelt, ce bled berceau de la dynastie chérifienne et aussi centre de production du souple cuir de chèvre que nous appelons maroquin. L’état de cordonnier y est exercé avec distinction et tenu en grand honneur. La paix française a été donnée à ces populations. Paix très armée. Le Targui « qui paraît et disparaît comme un esprit » est fuyant au figuré non moins qu’au propre. Son noir tedjelmoul masque le visage de Janus. Tel arrCrar, chef de tribu, tel amenokal, chef de confédération, fait solennellement avec nous aujourd’hui pacte d’amitié ; demain il nous égorgera pour un peu de butin, voire pour le plaisir. Ne viennent-ils pas d’assassiner le P. de Foucault qui depuis trente ans vivait parmi eux, tenu pour marabout, assurait-on, et qui de l’Evangile ne leur apportait que la charité? Il les soignait dans leurs maladies, demandant en échange la liberté de ses observations scientifiques, connaissant mieux qu’eux-mêmes leur langue — à peu près seules les femmes la lisent et l’écrivent — dont il a établi la grammaire et le dictionnaire. Admirable figure de moine qui, en revêtant le froc, n’avait pas dépouillé la vaillance, l’énergie, l’activité du soldat. Brillant officier de cavalerie, il quitte l’armée pour se consacrer tout entier à cette Afrique dont l’étreint la griffe. Sous l’humble déguisement de marchand juif il est le premier à pénétrer profondément le Maroc ténébreux, déterminant les positions astronomiques, reconnaissant l’hydrographie, relevant les altitudes. Un élan spirituel le jette dans une Trappe. La flamme cependant dont est embrasée cette âme ne saurait s’étein- dre sous les cendres de l’anéantissement mystique. Congé lui est donné de retourner au désert, pour y vivre une vie ardente et pure d’ascète et de savant. Que voilà donc de nobles gloires françaises. Moins connues de notre insouciance que celle d’un Bonnot, de telles mentalités ne vous semblent-elles pas plus dignes de fixer l’attention ? Les ksour de ces régions lointaines : Timimoun, In-Salah, Adrar, Abanam, Igli, Bou- Denib, ce sont des capitales. N’était le paludisme, dit par les indigènes ikhroud— « mal exterminateur » — n’étaient bien d’autres choses encore, à peu près on y vit. Mais dans les petits postes jalonnant la route... On n’y a pas les ressources de ceux qui se trouvent au long de l’actuel tronçon de voie ferrée. Pour voir passer le train quotidien, montant ou descendant, les sous-officiers de la légion s’assemblent, en tunique numéro un et pantalon blanc. Car un visage féminin parfois est aperçu aux portières. Puis c’est un vague camarade qu’on hèle. D’Oran le wagon-restaurant apporte du poisson, des légumes verts, du porc frais, un régal. La grande vie. Tandis que plus outre, perdu dans le vide, de point d’eau en point d’eau, à dix*
27f 123
To see the actual publication please follow the link above