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fran se mêlent a celle de graisse rance, aux émanations de sueur et de crasse que dégage ce trepignement.'Pour que je ne l’approche point, d’épaisses formes s’interposent. Est-ce à cause que n’est pas finie sa toilette ou bien redoute-t-on que la roumia lui jette un sort? J’inclinerais à croire ceci, car on me regarde sans bienveillance. Au demeurant en ai-je vite assez. Sans autre divertissement, cette, danse de Saint-Guy durera tout le jour, puis la nuit entière. Grand bien leur fasse ! Je m’enfuis et remonte à cheval. Bénie la solitude dans le bled morne et mort... C’est avec dédain que Touggourt, ce grand centre, considère le chélif El-Oued. Je n’en veux pour témoignage [que celui de mon petit chamelier. Sur la route du retour, des heures durant il chante, en tant que soit du chant une mélopée dénuée d’accent, de relief, de cadence, s enroulant sur soi-même en volutes sans fin, le plus efficace des soporifiques si ne l’eût coupée à intervalles un cri strident, de’modejbizarre, que vainement j’essaie dénoter. Je demande à Tahar le sens des paroles. Ce sont de ces improvisations vagues par lesquelles le nomade berce la longueur des pistes lentes. En,substance Lamsi dit : t Quel bonheur d’aller vers la ville où il y a des cafés, de la musique, de belles femmes qui dansent et qui... » Je ne saurais achever qu en latin. Par 1 intermédiaire du. cavalier je crois devoir morigéner ce galopin : * — Tu n’as pas honte, à ton âge... » Mais lui, comme un coq de combat sa crête redresse sa petite tête rusée, sournoise et vicieuse, et, se drapant avec fierté dans la gandoura guenilleuse, depuis le départ, il me sollicite de remplacer, sans le secours cette fois du truchement, il émet son unique mot de français : — Dégourdi!... dégourdi!... Cette satisfaction à les quitter eût fort mortifié les Souâfa qui nourrissent pour leurs sables un touchant attachement. CHAPITRE XI BOU-SAADA Bou-Saâda,, c’est « le Lieu du Bonheur ». Ainsi pense le maître éminent qui s’y est fixé, non seulement pour posséder mieux types et paysages algériens, mais aussi parce que tout lui en agrée. Il parle arabe comme Mahomet lui-même; il vit à l’arabe. Il ne s’est pas fait musulman, mais l’Islam lui est sympathique. D’ardente bonne foi il s’efforce de dissiper les préjugés séparant les deux races. Ses amitiés sont indigènes. Il cohabite avec un lettré qu’il appelle son collaborateur, prétendant S trop modeste peut-être — lui devoir cette connaissance parfaite de l’âme arabe qui fait de lui le meilleur orientaliste actuel. Car c’est une chose d’exécuter avec plus ou moins de virtuosité un morceau de bravoure sur ces thèmes essentiellement picturaux, et c’en est une autre de s’être profondément assimilé les êtres et les choses, d’en avoir pénétré le caractère, dégagé la poésie, de tenir enfin le ton qui enveloppe tout du rayonnement intime —• ce qui en somme ennoblit, en le subjectivant, un art plutôt objectif. Cela est à noter, M. Dinet ne quitte le Sahara que l’hiver. Il a raison. Un pays ne prend toute sa valeur que dans l’intégrité de son caractère climatique : la Russie glacée, le Sahara brûlé. Outre ce point de vue artistique, les logis indigènes étant conçus en vue de la chaleur, dès que passe un de ces brefs et rudes coups de froid africains, on y grelotte. Bou-Saâda cependant est torride. Cela étonne, à soixante lieues seulement dans le Sud, séparé du Sahara par les monts du Zab, en réalité situé dans la région intermédiaire des steppes. La situation encaissée en est cause. On y accède aisément en automobile soit d’Alger, soit de Bordj-bou-Arréridj, foyer de la révolte des Kabyles, sur les hauts plateaux mornes de la Med- jana qui se déroulent au sortir du sauvage massif des Bibane, noir comme l’enfer. On en as


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