feutres superposés, que l’élégance commande de couleurs différentes. Mais les arçons, en bois de laurier-rose, sont cruellement durs. Eux les veulent ainsi aux fins de multiplier les points de contact, conformément au principe essentiel : ne pas être en l’air, épouser le rein... Je n’ose ajouter l’expression soldatesque autant que graphique du vieux maréchal-des-logis instructeur qui, adolescente, m’avait mise à cheval. La sangle est si peu serrée que c’est à frémir. Alarme vaine, car, placée très en avant, la selle se trouve dans son aplomb naturel. Les étriers au contraire, tenus trop courts pour nos habitudes, sont très en arrrière, ce qui a pour effet de placer la jambe le plus près possible du cheval : autre précepte. Pas de mors de filet : on estime que cela embrouille les aides. La bride est nouée au point où le cheval, raccourcissant au galop les muscles de l’encolure, vient donner dans la main. L’extrémité fait office de cravache. Cela est curieux que, ferrant très légèrement son cheval, souvent les seuls pieds de devant, l’Arabe prodigue le métal dans le mors, instrument de torture qui durcit la bouche, dans le large et lourd étrier à l’arête tranchante agissant comme éperon, de quoi il abuse, dans l’étrivière enfin, dont les yeux massifs martyrisent, par une juste réciprocité, le cavalier, provoquant même des exostoses sur le bas de la jambe. Au trot surtout, quand on s’enlève, c/esl fort dur. Mais il faut y voir une marque d’honneur vous distinguant du manant qui va à pied. Au résumé, l’équitation arabe est fort agréable. « Monter à cheval, lâcher les chiens, cela ôte les vers de la tête ». Un autre dicton affirme que « le paradis de la terre se trouve sur le dos d’un cheval, dans d’étude des livres » — ceci est inattendu —■ enfin, ce qui ne saurait se traduire décemment, « on beine guerabous ameça ». ç Sf 9 Ces Souâfa dont on parle, où donc sont-ils? Patience. Pour atteindre, à Ourmasse, la première de leurs agglomérations,- il m’a fallu abattre la distance de Paris à Orléans. Tout prévenu que vous soyez, l’aspect en est déconcertant. Soit l’une soit l’autre elles sont une dizaine imaginez, ceinturé de dunes, un cirque sensiblement elliptique, uni et. nu comme aire a dépiquer. En son centre, une ruche de pierre.- A l’entour, par groupes généralement fort petits, des panaches de palmiers dépassant plus ou moins le sol, tronc souvent invisible ou émergeant à peine. Approchez-vous d un de ces bouquets de verdure, escaladez un talus, non sans risque de glissades, et regardez à vos pieds. Au fond d’un entonnoir de profondeur variable les arbres s’enracinent. A leur ombre, l’habituel jardin : les légumes arabes, un peu d’orge, une couple de figuiers et autant d’abricotiers auxquels s’enlacent des pampres, du tabac en menues parcelles, un carré de chanvre indien, un plant de henné, quelques pieds de coton. Pour l’arroser, un puits à bascule, donnant assez d’humidité, puisqu’y pousse cette Chose inattendue en pareil pays : des melons d’eau. Multipliez ces trous par X et vous avez une oasis. Environ 180.000 palmiers au total : ci une dizaine de mille trous. Le pourquoi de cette fantaisie?... La nappe d’eau toujours, cette nappe d’eau dont la malignité s’entête à demeurer souterraine. Ici plus qu’ailleurs elle existe car, vous me croirez si vous voulez, « isouf », en berbère, -c’est « rivière ». Et le chef-lieu de ce district sec comme amadou a nom ’El-Oued. Mystification?... Pas du tout. Au temps des Romains, sachez-le, un abondant cours d'eau coulait par ici. Fuyant devant l’invasion arabe, la population, chrétienne sans avoir répudié la magie, habituellement exercée par des pythonisses, lui jeta un sort qui l’engouffra sous terre. Les sables charriés par le vent du désert ont fait le reste. Ceux qui était restés ou qui sont revenus doivent s’en mordre les doigts. Car, quoique devenus bons musulmans, impossible de la désensorceler. La puissance du Christ a prévalu sur celle d’Allah. Le mal étant définitif, l’industrie humaine y a paré. Le Souâfi creuse, creuse, rejetant le sable au dehors pour former un rempart prolégeant son ouvrage, dont ensuite il affermit le sommet par une palissade de djérid que bute un chaînon de pierre sèches. A moins de bourrasques formidables, les apports ne feront que -l’épaissir et le fortifier. Travail fait à la main et demandant un bout de temps, on le pense'. Lent labeur de patience têtue qui ne rebute point ces gens jamais pressés. A raison de dix sous les cent couffins de sable retiré, à la vérité assez petits, ils n’y font pas fortune. Parvenu à un mètre de la couche humide, on plante. Ensuite on fore le puits et on n’a plus qu’à cultiver. On s’y emploie diligemment. Chaque dattier est entouré d’une rigole qu’on remplit de crottin recueilli sur les pistes des caravanes. On l’arrosè avec amour. Vient-il à dépérir, on le déchausse, on l’étaie et on émonde les racines desséchées ou pourries pour donner aux autres la force de se développer; puis doucement, tendrement on les recouvre. Opération chanceuse à laquelle parfois il succombe. Ou bien il tombe, écrasant les arbres sous-jacents. Quand le khamsin a comblé un jardin, tout est à refaire. Conçoit-on que cela vaille autant de peines, ces fruits qui, de loin en loin figurent dans nos desserts? Apparemment, car, avec \eshaoulis tissés par les femmes, ses dattes, les meilleures de toutes, constituent l’unique article d’échange de la population. Les tribus forment deux groupes d’origine différente : Adouan, sédentaires et pacifiques, race autochtone, et Troud, Arabes nomades, pasteurs et guerriers, c’est-à-dire pillards. Le Souâfi citadin est vif, intelligent, actif, très commerçant. Naguère il trafiquait jusqu’en pays haoussa, au coeur du Soudan. Aujourd’hui c’est plutôt avecla Tunisie, d’où il importe grains et laines. Il fait aussi de la contrebande, notamment de ces burnous fins et de ces légers haïks de soie du Djerîd, à passer dans une bague, avecjlesquels, au temps des.sultans de Touggourt, il leur payait tribut. El-Oued possède un poste de douane qui remplit son devoir avec une rigueur extrême. J’ai vu, pour deux paniers d’oranges et quelques étoffes, infliger cent francs d’amende. Considérant que le commandant
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