moëlles. On a chaussé des lunettes d’auto et, courbé sur l’encolure, présentant le dos à la bourrasque, on passe au milieu de tourbillons jaillissants ainsi que des geysers. Cependant faut-il risquer un oeil pour ne pas perdre le spectacle des « dunes qui fument ». Balayé par la tempête, le sable est soulevé du fond des sillons, escalade les pentes, coule sur le versant opposé et ainsi de suite à perte de vue. Etant pulvérisé jusqu’à l’extrême limite de la finesse, quasi transformé en vapeur, il donne l’aspect d’une mer bouillante qui déferle. Aujourd’hui rien de pareil. Calme plat. Dans un éclairage vif sans violence, les arêtes s’affirment, de précision linéaire. Une chaleur douce s’ajuste avec l’amble berceur. Allure un peu molle, à cause que ma monture, hier soir, a refusé l’eau d’un puits trop saumâtre. Cela lui fera quarante-huit heures sans boire. Ce patricien a des délicatesses qu’ignore la grossièreté du chameau. Allant à son pas lent, mais constant et sans velléité de refus, je songe que sur le cheval arabe tout a été dit. Un aussi admirable animal mérite cependant qu’on le redise, d’après les Arabes mêmes. Arabe ou barbe ? S celui-ci autochtone comme les Berbères, et non dégénescence de celui- là, d’origine syrienne, acclimaté par les conquérants. Au vrai se sont-ils croisés et confondus. « L’homme a été créé avec le limon, le cheval avec le vent ». Aussi appelle-t-on « buveur d’air» — chareb-er-rih’ — le cheval noble lequel « n’a pas de malice ». Pour être parfait il doit avoir trois choses longues : les oreilles, l’encolure, les membres antérieurs; trois courtes : le dos, l’os de la^queue, les membres postérieures; trois larges : le front, le poitrail, la croupe ; trois pures : l’oeil, le poil, le sabot. Selon d’autres connaisseurs, ce serait : quatre larges : front, membres, arrière et avant-main; quatre courtes : rein, oreilles, queue et paturon; quatre longues : encolure, rayons supérieurs, ventre, hanches. Les douze points sont à peu près identiques, sauf divergence quant à l’oreille. Je penche pour laisser la longue au mulet. Quant à la queue, en raccourcir l’os est un crime aux yeux des Arabes. Ils la veulent allongée par les crins, que les trois premières années ils coupent pour les faires repousser plus épais, plus soyeux. En des régions où la boue est rare, c’est fort beau. Si le pur-sang anglais ne possédait les mérites qui font de lui le type supérieur de l’espèce, ce petit balai dont s’orne sa croupe serait assez ridicule. En outre, le cheval ne compte pas moins de quarante épis, dont je vous fais grâce, parmi lesquels certains portent malheur. La robe a son importance. Le blanc, monture de prince, noble entre tous, mais sensible à la chaleur; le véritable blanc, bien entendu, à peau rose, non celui à peau noire qui n’est qu’un gris. Gris truité, tisonné, zébré, tigré, rarement pommelé, gris bleu — lequel est notre étourneau foncé — gris « pierre de rivière » ou « pigeon sauvage ». L’alezan brûlé B aucheguen m e g la u k y est le plus vite, le bai cerise — hameur soum -— le plus endurant. Le noir a une valeur de rareté. On estime assez le poil-de-cerf, le louvet, je me demande pourquoi dit « cheval vert ». Pour le pie, le rouan, l’aubère, on n’a que mépris. Pareillement pour le ladre, le belle-face. Sans doute est-ce d’Algérie que nous est venu cet injuste jugement : « balzanes quatre, bon à abattre ». Le pire, c’est l’isabelle, surtout à crins lavés, qualifié « cheval de juif ». Tous signes néanmoins peuvent être trompeurs. Cela arrive, « une peau de lion sur le dos d’une vache ». Parmi les vices rédhibitoires on range l’habitude de « refuser 1 étrier » et de « renier l’éperon » : ce que nous appelons être difficile au montoir et ruer à la botte. Rarement le clieval arabe est castré. Les pauvres seuls, sans serviteur pour le garder, lûi infligent ce déshonneur. D’aucuns préfèrent à l’étalon la jument, plus résistante, plus sûre aussi pour la guerre et pour la razzia — parce qu’elle ne trahit point son cavalier par des hennissements. D’autre part elle constitue un capital productif. « Son ventre est un trésor, son dos un siège d’honneur » — ceci-à cause que ses réactions sont plus douces. Le Prophète l’a proclamé : « Une épouse intelligente, une cavale féconde, voilà les plus grands biens ». (Il place, je 1 affirme, la cavale après l’épouse). Tout cheval de cette race est d’ailleurs, on lq sait, de remarquable endurance. « Il peut la faim, il peut la soif ». Dans certaine mesure, car c’est en somme une bête délicate. L’orge lui est nécessaire, quelques herbacés. Et aussi le besoin de s’abreuver plus souvent que le chameau et plus purement le rend-il inutilisable au coeur du Sahara. En dépit de sa taille peu élevée, il est fort. Les montures de chasseurs d’Afrique portent, en colonne, équipement, armes, paquetage, fourrage, vivres de réserve, outils, fers et clous, jusqu’à 160 kilos. Considérez encore qu’il est intelligent, courageux, patient, docile, bien que parfois un peu cabochard, affectionné à son maître, et dites-moi si, aux vertus que possède le cheval, seraient dignes de l’être beaucoup de cavaliers. Au point de vue technique, il a plus de résistance que de vitesse. La fougue de son galop fait illusion. Une fantasia est chose vertigineuse, à quoi ne se méprend point le connaisseur. Le mot le dit : c’est de la fantaisie, ce n’est pas du train. Mettez le buveur d’air sur Longchamp, il ne sera nulle part. Les foulées d’un crack plongent dans la stupeur les caïds qui assistent parfois au Grand Prix. Quant à des épreuves de fond, au trot, n’en parlons pas. Mais que lui importe? Sur son terrain il ne craint personne, puisque seul il y peut vivre. Cet animal précieux est l’objet de soins fort sommaires. Pas de pansage : on se borne à l’essuyer avec un chiffon de laine. Quand c'est possible, on le lave. Son meilleur âge de service est de sept à quatorze ans. Mais dès sa deuxième année le poulain est monté. La selle arabe est un monument ¡ pommeau élevé, très haut troussequin formant dossier. Pour faire de la route, rien de plus confortable. Moins lorsqu’il s’agit de passer la jambe — je parle en faible femme qui monte à califourchon et en culotte, seule équitation de tourisme pratique. Une fois qu’on en a goûté, même pour la promenade on n’en veut plus d’autre. Le lapis comporte sept
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