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L’OUED RIR’H filles à reprendre, tout au rebours. Elles sont très bien comme elles sont parce qu’elles sont dans leur norme; celles-là auront avantage à rester dans la leur. Les idiosyncrasies ne sont point choses fortuites, mais nées d’un enchaînement millénaire de conditions psychiques et de circonstances extérieures. Autant il est louable d’en atténuer les abus, autant les abolir serait compromettre gravement l’équilibre social. Façon de voir qui me paraît être celle des pères arabes, bien rares encore, enclins à marcher dans cette voie. Et je leur ai plu en la résumant dans une formule conforme à leur style imagé : jamais abricotier ne portera de prunes; à quoi bon, puisque, si la prune est bonne, l’abricot ne l’est pas moins; améliorons donc séparément la prune et l’abricot. En compagnie du cadije fais ma visite au marabout de Temacine. Trois à quatre lieues par les sables en voiture à mules, non sans tirage. L’oasis est fort belle, baignée par un vaste marais dans lequel la tradition locale veut que se soient enlisées des légions. Du minaret l’aspect est curieux, de ces miroirs d’étain brillant au soleil à travers une légère buée bleuâtre. Tout autour l’infini désertique. C’est ici l’extrémité méridionale du chapelet d’oasis de l’Oued-Rir’h et l’entrée des parcours des Ghaâmba. Le caïd Abd-el-Kader-ben-el-hadj-Saïd, intelligent et actif -— remuant surtout, assurent les mauvaises langues, mais il n’est pays où l’on soit plus débineur qu’au Sahara — s’est emballé pour la culture du coton dans cette humidité brûlante et lui croit de l’avenir. Acceptons en l’augure, car ce serait la richesse. Il en est une autre, essayée avec succès à Touggourt et ici : celle de l’asperge, qui se plaît, on le sait, en terrain sablonneux. S’accommodera-t-elle, en fin de compte, d’arrosage salpêtré? L’administration ne suffit pas à fournir des griffes. Primeur à laquelle seraient assurés de vastes débouchés. La zaouïa ne se trouve pas à Temacine même, mais à Tamelhat, une demi-lieue plus loin. Le caïd se joint à nous. Cas unique à ma connaissance, possédant un braque bleu d’Auvergne, lequel ne semble nullement dépaysé, il l’admet dans sa familiarité au point de l’emmener avec lui, sur mon assurance que je suis la meilleure amie des chiens. Bien m’en a pris. La sympathie entre bêtes et gens étant réciproque, le brave animal, à table, se blottit dans ma jupe, et ainsi puis-je subrepticement lui passer la plus forte part des quatorze plats constituant la diffa. Cette famille maraboutique passe pour nous être particulièrement dévouée. Elle l’a montré d’ailleurs lors de la grave répercussion qu’avait eue dans le Sud la révolte des Kabyles. Les rebelles, après avoir pillé Temacine, s’étant présentés pacifiquement devant Tamelhat — ils n’osaient risquer le sacrilège d’une agression — les portes leur en furent fermées avec cette réponse : « C’est par la volonté d’Allah que les Français sont les maîtres ». Bien que filiale de celle d’Aïn-Madhi, cette zaouïa est plus considérable. Sa sphère d’influence s’étend fort avant dans le Soudan, jusqu'au Fouta. Ayant été, voici vingt ans, détruits 20


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