Sa navigation si négligée jusque-là prit un merveilleux essor. Antérieurement à cette phase régénératrice, la noblesse de l’Europe, dans des croisades plus souvent chevaleresques que politiques, avait bien, il est vrai, emprunté quelque chose aux moeurs, au luxe, aux arts des Grecs et des Arabes; mais c’était là tout. Le fait considérable du passage par le Cap éblouit les uns et fit réfléchir les autres. Quelques esprits sérieux se prirent à admirer les institutions commerciales dont parle Xénophon, et dans lesquelles au trefois, comme alors, les Grecs excellaient. Par le commerce, on pouvait se procurer un peu de ce luxe déjà entrevu, et auquel il est si difficile de renoncer quand on en a ressenti les effets. La navigation était le moyen naturel pour transporter en Europe ces riches produits de l’Orient, et de toutes parts on s’y adonna. Le commerçant, relégué autrefois dans la classe des hommes abjects, au rang des histrions, par l’orgueilleuse Rome, dont le despotisme guerrier et l’ignorance commerciale avaient passé dans nos moeurs, le commerçant excita la curiosité et même quelques sympathies (1). La considération, autrefois réservée aux possesseurs de fiefs ou aux guerriers distingués dans les combats, se partagea. ----------- (1) Les Arabes fondèrent au viii' siècle le plus grand commerce qu’on eût vu depuis Athènes et Carthage. Ils perfectionnèrent l’algèbre et l’astronomie. Il est vrai que les Juifs dans l’origine s’étaient exclusivement emparés de tous les détails du commerce, et que, même en mettant à part la réprobation qui pesait sur eux, il faut reconnaître qu’ils n’avaient rien fait pour en relever la considération. Le Cap de Bonne- Espérance étant franchi, l’horizon s’ouvrit immense : le courant des idées se porta de ce côté ; le commerce maritime et la navigation devinrent l’objet d’une protection spéciale, et le commerçant, convié au partage de la fortune et de la gloire, prit, à dater de ce moment, sa juste part de considération. Un mot sur le Cap. Au xiv° siècle, les Portugais étaient les plus hardis explorateurs des mers; en 1419, sous Jean / er, ils avaient pris possession de Madère ; ils plantèrent de vignes cette terre mêlée de laves et dont les pierres noircies marquent les vestiges d’anciens volcans. L’île produisit bientôt des vins très-recherchés et c’est ainsi que l’on obtint le fameux Malvoisie de Madère, produit d’un plant qu’on avait apporté de Candie. Après ces premiers succès, les Portugais dirigèrent leurs expéditions vers l’Afrique occidentale ; mais ils ne firent dans la Guinée que des courses de piraterie. Le roi Jean I I monta sur le trône de Portugal: ce prince éclairé commença par déclarer port franc le port de Lisbonne, sa capitale, puis il songea adonner un nouvel essor à la navigation et au commerce; il encouragea les découvertes astronomiques, protégea les uns, récompensa les autres, et stimula de toutes les manières l’aptitude naturelle des Portugais pour les explo- %
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