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quelques jours, j ’en perdis douze. Aujourd’hui, à l’heure où j ’écris, on dépèce le dix-septième ! Je me suis désolé et tourmenté, et chaque boeuf qui mourait m’arrachait la plainte d’un de ces fils de prophète, qui pleurait sur sa cognée : « Hélas !... et encore est-il emprunté ! » Mais cela n’a pas réparé nos pertes. Le trajet n’a pas manqué d’aventures de tous genres : nous avons eu du vent à tout emporter, des nuages de poussière qui s’engouffraient dans les wagons, de la pluie, de la neige et des chemins défoncés. J’ai hâte d’arriver à Léribé, notre cher Léribé. Hélas ! il n’est plus ce qu’il était il y a cinq ans ! Nous le savions bien et pourtant, je l’avoue, la réalité dépasse tout ce que notre imagination avait peint de plus sombre. Quelques personnes viennent bien à notre rencontre et sont heureuses de nous revoir. Mais il y a des vides parmi ceux qui nous entourent, chrétiens et païens. La station, désertée, délabrée, serait un tombeau sans la présence de quelques femmes et enfants, et sans celle surtout de nos amis Marzolff et Mlle Louise Cochet, qui nous y ont préparé la bienvenue de leur mieux. Le village, autrefois si propret, si animé, si riant, n’est aujourd’hui qu’un monceau de ruines silencieuses et désolées. Le jardin missionnaire, je n’en parle pas, il est l’emblème de la vigne du Seigneur bien autrement dévastée. La guerre et la pire de toutes — la guerre civile, a semé des haines et des vengeances implacables. La vie des camps, de ces camps, les égouts de tout ce que notre civilisation a de plus corrompu et de plus effronté, a donné une telle impétuosité au courant de la démoralisation, que peu de nos chrétiens je le crains — ont pu résister. Quelques-uns sont décidément retournés se vautrer dans la fange du paganisme, d’autres, et peut-être le plus grand nombre, se sont adonnés à l’eau-de-vie. La jeunesse, cette jeunesse sur laquelle nous avions fondé tant d’espérances, a été décimée par la violence des passions. Les chrétiens dont la profession a résisté à tant d’attaques ont subi des influences si délétères, que le zèle et la vie paraissent étouffés ou paralysés. En présence de tant de désastres et de ruines, les païens se moquent de l’Évangile ; l’Église est déserte, les chemins de Sion mènent deuil ! Notre ciel politique, pour le moment, n’est pas plus radieux. Il est gris, et à l’horizon grondent des orages qu’il semble difficile de conjurer. Massoupa, enivré de ses succès — et il en a eu de grands en diplomatie aussi bien qu’en stratégie — rit, assure-t-on, des démonstrations du représentant du gouvernement et du chef Letsié lui-même. Ce qu’il veut, ce qu’il demande hautement, c’est la retraite définitive du gouvernement anglais et l’indépendance absolue du Lessouto. Lésoana et d’autres chefs le soutiennent. Et il reste à savoir encore jusqu'à quel point la tribu les suivra. G’ést le printemps ici. Laissons donc cette belle saison étendre son riche ifiülüR.- LE H A U ’Ç-ZAMB - i iZE .


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