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cet attelage de deux boeufs sans voitures qu’il voÿoit à ma suite.' Néanmoins l ’obscurité qui croissoit m’empêcha, de. risquer ma traverse sur le radeau. Je passai la nuit où je me trouvois, et ne revins au camp que le lendemain. La première de mes occupations, en y arrivant, fut de mettre ma giraffe à l’eau pour la ramollir et de la nettoyer des cendres qui l’encroutoient ; puis je l ’érafflai, je l’écharnai ; en un mot, j ’y fis ce qu’auroit fait un tanneur. Pour la mettre en état de se conserver, il ne s’agissoit plus que de l’imbiber de quelques sucs stiptiques ou astringens, et c’est ce que j ’opérai, en employant, au défaut de tan, une forte lessive de cendres et de tabac, dans laquelle étoient dissous un peu d’alun, quatre onces de camphre et une livre de savon. Ma lessive ne pouvant s’appliquer d’une manière utile qu’autant que la peau seroit dans une situation horisontale , j ’élevai à cet effet une forte claie en forme d’échaffaud, posée sur des fourches et composée de traverses à grandes mailles. On y étendit le cuir le poil en dessus; et dans cette situation, on l’arrosa de la lessive, tandis’ qu’en dessous on l’humectoit avec des linges imbibés de la liqueur. Après, quoi, l ’ayant couvert de nattes afin d’empêcher que les rayons du soleil n’altérassent les couleurs du poil, je le laissai sécher en cet état. On verra, par la suite de ma relation, qu’il y est resté bien long-tems. Mon retour fut une fête pour mes Hottentots ; mais le motif de leur joie devint pour moi un chagrin réel. Il m’apprit à connoître le vrai caractère de cette nation casanière et indolente des Hottentots colons dont j ’avois.jusques-là trop bien auguré, et qui, utile peut- être tant qu’on ne voudra point sortir des colonies, devient incommode et à charge quand on la conduit dans des régions lointaines, semées de hasards et de dangers. Ils se flattoient que , ne pouvant avancer plus avant avec mes charriots, j ’ailois être obligé de retourner au Cap et les rendre à leur paresse naturelle, avec des profits obtenus sans fatigues. Assurément il s’en falloït de beaucoup que je songeasse à mon retour ; et


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