sauvage qui a tous les caractères du lynx. Par la suite, j ’ai eu occasion d’en tuer plusieurs. Cet animal est d’un roux très - foncé ; mais il a ie s oreilles noires, et elles sont surmontées dun faisceau de poils de la même couleur. C’est une espèce nouvelle, qui n’a pas encore été décrite que je sache. Mes absences étoient fréquentes ; mais elles étoient courtes, et chaque jour je revenois, à une heure réglée , pour assister au renouvellement des cendres sur la peau de ma giraffe. : cette conquête étoit une grande affaire, et je ne voulois point que cette opération se fît sans moi. Enfin, après neuf jours de cette tannerie incalescente, voyant que le cuir, quoiqu’il n’aùt pas encore!© degre de dessication qui étoit nécessaire pour le conserver, en avoit cependant acquis une telle que, poussée plus loin , il ne seroit plus possible de le manier, je le fis plier en quatre et assujettir avep des courroies, les pieds et la tête en dessus. Dans cet état il for- moit un paquet de six pieds carrés sur trois pieds et demi d’épaisseur. i L’ embarras de traîner avec moi un pareil fardeau pendant toute ma route, me fournit d’abord l ’idée de le laisser en dépôt chez mes bons voisins les Caminouquois, pour le' reprendre à mon retour. Mais dans l ’hypothèse où je réussir©is à traverser l ’Afrique, il n’y avoit point de retour pour moi ; et dans celle où les événemens me forceroient de revenir sur mes p as, pouvois-je espérer qu’ils me permettroient de repasser par la horde ; et puis j ’aurois voulu le confier, et en même tems le couver de mes yeux. Jeportois un trop v if attachement à ce' trésor précieux pour l’abandonner. D’un autre côté, j ’âvois à craindre que la peau ne se gâtât faute de soins, pendant mon absence; et je sentois combien il me seroit difficile d’en avoir uife autre, si je perdois celle qu’un si heureux hasard m’avoit procurée. Tdùt, jusqu’aux soins que je venois de prendre pour là préparer, me la rendoit précieuse. Ainsi donc je nç songeai plus qu’à la conserver, et voici le parti que je pris. En réfléchissant sur ma route et en m’orientant, il me sembla que je ne devois pas être éloigné de plus de dix-huit où vingt lieues de mon E N A F R I Q U E . . 65 mon camp sur la rivière d’Orange, et que par conséquent il ne me falloit que quatre jours pour m’y rendre en ligne droite. A la vérité, des deux motifs qui m’avoient détermine a ma petite excursion, je n’en voyois qu’un de rempli; et ce n’étoit point assez d ’avoir connu la giraffe., il me restoit encore à acheter des boeufs pour mes voitures; mais le pays étoit trop stérile et les Caminouquois trop misérables pour fournir à de pareilles emplettes. Je me proposois de tenter, dans d’autres contrées voisines, quelque autre course excentrique du même genre, qui peut-être seroit plus heureuse; en attendant, je ne m’occupai qu’à mettre en sûreté ma giraffe. Mon plus grand embarras étoit de savoir comment je l ’empor- terois. Sans voiture et même sans possibilité d’en faire arriver une jusqu’à nous, je n’avois pour cettè expédition que mes boeufs. Mais indépendamment des retards et des incommodités que devoif nous occasionner en route un paquet aussi volumineux, son poids enorme étoit au-dessus des forces d’un boeuf ordinaire ; l ’animal en eût ete écrasé. J ’imaginai donc de louer les deux plus forts boeufs qui fussent dans la horde, et de construire un brancard, qui, s’adaptant sur leurs épaules et les obligeant à marcher de front, partageroit le fardeau entre eux deux. La machine achevée, je l ’essayai; et son succès étonna tellement les Caminouquois, pour qui elle étoit nouvelle , qu’à mon départ toute la horde accourut pour la voir et l ’admirer. Aux yeux d’un Sauvage les choses les plus simples sont un e invention qui tient du prodige. Quelle supériorité nous donnent sur lui les avantages de l’industrie exercée ; mais en revange quelle supériorité lui donne sur nous le pouvoir de s’en passer. Le second jour, j ’arrivai à la Rivière des Lions, que nous traversâmes au même endroit où nous l’avions passée précédemment; et le quatrième, comme je l’avois conjecturé, jefus,verslesoir, à la vue de mon camp, sur l’autre bord de l ’Orange. Au bruit d’une décharge que nous fîmes pour avertir de notre arrivée, tous mes gens passèrent la rivière à la nage et vinrent à moi. Swanepoel resta seul au camp, fort intrigué dé ce brancard et de Tome I I . I
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