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ce royaume beaucoup de thé, y donne en échange des feuilles de sauge. Par .un effet de cette estime que dans tous les pays on porte à tout ce qui vient de loin, le Chinois recherche avec plus d’empressement encore cette feuille étrangère qu’en Europe certains peuples recherchent la sienne; et c’est-là un commerce dans lequel il y a deux cents pour cent, à gagner. * Mais ce que les François ne savent pas , et ce qu’il leur est impardonnable d’avoir ignoré- si long-tems, c’est que jusqu’ici ce sont leurs provinces méridionales où s’achète cette sauge, vendue si cher à l’extrémité de l’Asie. On connoît très-bien au Cap le profit immense qu’offre ce genre de spéculation. On y a du saaly en grande abondance. D ou je conclus que si ce saaly avoit les propriétés de la sauge de France, la nation dont je parle l’èxporteroit de preference en Chine , puisqu’elle y gagnerait bien plus considérablement encore. Quoiqu’il en soit de cette spéculation , la plante qui m’avoît guéri de mon esquinancie est également salutaire pour la guérison des plaies. C’est ce que m’assura mon esculape. Mais il ajouta que pour faire aboutir la plaie et la mettre en état de se cicatriser , il lui falloit joindre au cataplasme une certaine quantité d’une graisse quelconque. Cette onctuosité, disoit-il , étoit absolument nécessaire, pour que le remède produisît quelque effet ; sans elle il devenoit inutile. N’est-ce pas une chose étrange et bien inconcevable que dans cette multitude innombrable de plantes qui couvre la surface du globe , il y en ait si peu de connues, et que dans le jardin de botanique , par exemple , le plus complet et le mieux fourni, on en compte à peine trois cent cinquante qui offrent à l’homme un médicament ou une nourriture, tant pour Iüi que pour les animaux qu’il a rendus domestiques et qu’il élève ? Majs ce qui doit étonner bien plus encore, c’est que dans ce petit nombre de plantes utiles, s’il en est dont la découverte ait été pour nous vraimentv importante, cette découverte a presque toujours été due à des Sauvages, ou même à des animaux. Ma maladie et ma convalescence avoient duré vingt jours ; pendant ce tems , mes gens ne s’etant point écartés de ma tente , et n’ayant pu par conséquent aller au loin chasser la grosse bete, ils avoient été réduits à vivre de mes moutons. De ma bergerie, il ne restait plus une seule bête; toutes se trouYoient mangees , et je me voyois obligé de me faire un nouveau troupeau. Heureusement, à deux ou trois lieues de mon camp , il y avoit, près du même torrent du Kaussi, une horde chez laquelle j’étois venu , l’année précédente, et qui pouvoit me fournir les nouveaux moutons dont j ’avois besoin. Parfaitement rétabli, il- m’était aisé de m’y rendre en peu d’heures; et c’est ce que je fis, après avoir récompensé, ainsi qu’il étoit en moi, le Namaquois auquel j'e de vois la vie. Le chef vint à ma rencontre. Il avoit sur la poitrine un hausse- col , et sous son kros une capne à pomme de cuivre , dont on n’ap- percevùit que l’extrémité. A cè signe d’esclavage et d’autorité, qUi annonçoit un capitaine hottentot institué par le gouvernement, je reconnus visiblement que j ’allois entrer dans les Colonies ; mais à l’air humble et soumis de cet homme, je reconnus plus aisément encore un être accoutumé à obéir et à ramper. Le ton de supplication, qu’il prit en me parlant, m’annonça d’abord qu’il venoitse plaindre, ou de ses Sujets, ou de sès voisins. Je ne me trompai qu’en un point. Il sé plaignit des Uns et des autres. Ceux des Colons qu’il inculpoit étaient Van der Westhuisen, ce père de Klaas Baster, chez lequel j’avois logé à mon passage , et Engelbrecht, son beau-frère. Les gardiens du troupeau de Inhorde avoient laissé, par négligence , échapper quelques-unes de leurs bêtes à cornes . Elles s'étalent avancées sur le domaine de Van der Westhuisen; et celui-ci, avec sa fille , dont j ’ai parlé ailleurs, les avoit tuées à coups de fusil. A ce procédé violent et inique , je reçonnoissois très-bien l’esprit des Colons. Mais il faut avouer pourtant que la première faute en était aux gardiens. Naseep, c’étoit le nom de l’imbécile chef, avoit voulu en faire ses réproches à ceux-ci. Dans leur colère, ils lui


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