11 me tardoit de mettre pied à terre, pour avoir la faculté de me coucher. La fatigue de la route et la chaleur du jour avoient encore empiré mon état. Je me sentois une fièvre brûlante , et un violent mal de gorge, que d’abord je crus être une angine , mais qui, dans la nuit, par l’inflammation du pharynx et le gonflement des amygdales, se déclara esquinancie. ■ Je me crus perdu. Cette maladie, en Afrique , est presque toujours mortelle ; mais, outre qu’elle y est bien plus douloureuse qu’en Europe , elle traîne et dure aussi bien plus long-tems. Que faire dans ces terribles circonstances ? moi qui, n’ayant aucune connois- sance en médecine, me trouvois d’ailleurs privé des remèdes qu’emploient, en pareil cas, les Colons. Mes Hottentots, qui de toutes les maladies n’en font qu’une, et qui par conséquent ne connoissent pour toutes qu’un seul et unique moyen de guérison, voulurent l’employer aussi pour moi. Il consistait à tremper des serviettes dans du lait bouillant, et à me les appliquer brûlantes autour du cou. Ce topique, qui est pour eux la panacée, le remède -universel, me fut administré pendant trois jours. Pendant 'trois jours j’eus la complaisance de me laisser brûler. Mais enfin, tourmenté et torturé en pure perte, je renonçai à .ce supplice, et m abandonnai à la nature. Ma situation étoit devenue déplorable. Je ne pouvois plus rien a v a l e r q U e quelques gouttes de thé très-foible , encore étoit-ce avec beaucoup de peine. Ma langue et ma gorge s’enflèrent tellement que je ne parlois plus que par signes. Enfin , ma respiration devint si pénible en si gênée , je haletais si fort, qu’à chaque instant je m’attendois à étouffer. La consternation étoit générale parmi tous mes gens. Klaas seul et Swanepoel entroient dans ma tente , et ils me gardoient alternativement. Mais lorsqu’un d’eux arrivoit près de moi, je voyois aussitôt tôûtes les têtes , groupées à l’entrée de la tente , s’allonger en avant le plus qu’elles pouvoient, pour chercher à lire dans les yeux et la contenance de mes gardiens, ce qu’il y avoit à craindre ou à espérer. Certes - Certes, s’il est un moment dans ma vie ou je me sois cru près de ma fin, c’est celui-là. C’étoit donc ainsi que se terminoient deux voyages si longs, si pénibles, si périlleux ! Hors d’etat de parler et de donner désordres pour mes collections; qu’afloit devenir ce fruit de tant de sueurs et de tant de fatigues ? Encore , si la fièvre qui me dévoroit eût été accompagnée de de- lire ! si j’eusse perdu la connoissance de mon état et cette affreuse inquiétude qui en étoit inséparable ! Mais, pour mon malheur, j avois conservé toute ma tête; je voyois la mort arriver à pas lents; j ’en éprouyois toutes les- horreurs. Il y avoit près de huit jours que j’y étais condamné , quand Swa- nepoel vint m’annoncer l’arrivée de quelques Petits Namaquois d’une horde voisine. Ces bons Sauvages avoient appris ma maladie ; et par une suite de cette amitié que j’avois eu le.bonheur d’inspirer à leur nation, ils venoient s’offrir à ma guérison et me proposer un remède, du succès" duquel ils répondoient, disoient-ils , si je consentois à me fier à eux. Dans de pareilles circonstances, un mourant peut-il entendre avec indifférence là voix qui lui annonce la vie ? D’ailleurs, on m’eût offert du poison, mes souffrances duroient depuis si long-tems, elles étoient devenues si intolérables que, par lassitude, et pour les finir , jo l’ettSse pris à l’instant. Je fis signe que je consentois au remède, et" mes guérisseurs le préparèrent. . ¡C’étoif aUssi un topique chajid. Mais celui-ci, au lieu d’être de lait, Comme le premier , étoit fait avec une herbe particulière ; et indépendamment du cataplasme , il falloit encore me gargariser avec le suc de la plante. J ’étois prévenu contre ces colliers brûlans dont je devois de nouveau m’envelopper le cou; et quand je vis Klaas m’apporter encore celui-ci, je sentis, je l’avoue , quelque répugnance. Mais le gargarisme avoit une odeur si agréable ,'le -goût en étoit si balsamique et si suave , la nature en moi parut subitement l’ap- péter avec tant de plaisir, qu’un des-remèdes me fit adopter l’autre. On renouvella plusieurs fois dans la nuit le cataplasme. Je répétai plus souvent encore le gargarisme. Enfin, quand le jour parut, Tome II- v ■ v-r imta 'y-' “y .
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