couveuse. La femelle avoit devant elle quatre oeufs , déposés à plate terre ; et dans son n id , elle en couvoit neuf, dont les petits étoient fort avancés.. Ces deux placemens d’oeufs., voisins l’un de l ’autre, mais distincts, sont un fait que j ’ai déjà cité dans mon premier voyage; et l’explication que j’en ai donnée à trouvé des contradicteurs. Ils n’ont pu croire à cette intention de mettre dès oeufs en avant du nid, pour servir de nourriture aux petits lorsqu’ils doivent 'éclore. Tant de prévoyance dans un oiseau, qu’on s’est plu, jusqu’à-présent, à regarder comme l’emblême de la stupidité, leur a paru une sorte de prodige invraisemblable. On m’a objecté qu’aucun naturaliste encore n’en avoit parlé avant moi : c’est à quoi se sont réduites toutes les objections ; et je n’ai pas besoin de faire sentir combien celle-ci est futile ; car de ce que les naturalistes ont parlé si différemment de tant d’autres objets , que conclueroit-on, si j’osois , de mon côté, avancer qu’ils n’ont mis au jour que de rêves et des erreurs. Que de découvertes en histoire naturelle , mal-accueillies d’abord, à raison de leur nouveauté, sont regardées aujourd’hui comme des vérités incontestables ! Lorsqu’un observateur s’avisa de dire que les coraux n’étoient point une production marine, du règne végétal , mais une vraie ruche construite par des insectes ; quand Delisle , revenant de la Chine, avança que l’ambre gris étoit lè produit d’une baleine, et qu’il en présenta les preuves , n’y eut-il pas' aussi des naturalistés de cabinet qui s’élevèrent contre leur assertion ? Ne croyons pas indistinctement, et sur parole; la raison nous le dit. Examinons auparavant et la crédibilité que mérite celui qui avance des faits nouveaux, et les preuves qu’il en donne ; mais ne les rejetions pas, uniquement parce qu’ils sont nouveaux. Plus nous étudierons la nature, et plus nous en découvrirons, qu’il ne nous sera guère possible d’expliquer. Eh ! combien en est-il qui se passent journellement sous nos y eu x , et qu’on n’a pas même encore songé à obsërver. Que ces écrivains naturalistes, dont tout l ’attirail scientifique consiste en lectures et en raisonnemens, mè disent, par exemple , pourquoi l’hirondelle , quand on abat son nid , le recommence dix ou douze fois de suite au même endroit ; tandis que les oiseaux indigènes abandonnent le leu r, des qu on y a touche, et vont ailleurs en construire un autre. Quant au fait de ces oeufs mis en réserve par l’au truelle pour lapre- mière nourriture de ses petits , je citerai, à l’appui de mon assertion , un témoignage dont l ’autorité est d’un grand poids ; c est celui d’un navigateur célèbre, q u i, avant que je songeasse à visiter l ’Afrique, avoit déjà fait le tour du monde, (de Bougainville). Etant venu voir mon cabinet, depuis la publication de mon premier Voyage, il me parla de ce que j ’avois écrit sur l’autruche. Il me dit'que mon observation étoit vraie ; que par-tout il en avoit eu- constamment la preuve ; et que s’il s’étoit abstenu de la publier avant moi , c’est qu’il avoit craint qu’on n’y crût pas. Et voilà une de ces nouveautés qui demandent à être publiées par des hommes capables de leur donner du crédit; car les réputations de préjugé ajoutent un grand poids aux réputations méritées. Ce que j ’ai occasion d’écrire ici sur l’autruche me fait croire qu’on me pardonnera d’y ajouter quelques observations. Un naturaliste , à qui la science doit beaucoup , a écrit qu’au Sénégal cet oiseau ne couve ses oeufs que pendant la nu it, et que dans le jour il les abandonne à la chaleur du soleil. J ignore si au Sénégal la chaleur est plus grande qu’à une même latitude de l’autre côté de l ’équateur , et si les autruches de ce climat ont une intelligence que celles-ci n’ont pas. Mais depuis le Cap jusqu’au vingt- deuxième degré , j ’ai vu des nids ; et j ’ose assurer que nulle part je n’en ai trouvé un seul qui ne fût couvé par un mâle ou une femelle, à moins que, par la mort des couveurs ou par quelque autre accident particulier, les oeufs n’eussent été abandonnés. Pour ce qui regarde le nombre de ces,oeufs, l’époque de la ponte , la durée de l’incubation, on n’a. encore rien de certain; et les voyageurs qui ont parcouru l’Afrique , n’offrent sur cet objet que des témoignages contradictoires*, dont l ’incertitude ne peut qu embarrasser les naturalistes. •
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