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' En laissant mon camp sur les bords de l ’Orange, j ’avois spécialement voulu m’assurer s’il me seroit possible de me faire suivre, désormais par mes charriots. Je m’étois proposé encore de tâter en quelque sorte,.différentes nations sauvages, d’essayer leur caractère, et de savoir jusqu’à quel point jè pouvois me fier à elles et compter sur leur secours. Cette double connoissance m’étoit absolument nécessaire pour continuer mon voyage : sans elle, il n’y avoit point de succès à espérer pour moi, et peut-être eussé-je été arrêté des le premier pas. La seconde épreuve m’avôit réussi parfaitement. Par-tout j ’avois ' rencontré des amis ; par-tout je trouvois des hommes sûrs, qui me condùisoient d’une horde à l ’autre, dont les secours et les services ne me coûtaient que des bagatelles. Libre comme l ’a ir , je ne dé- pendois de personne. Les gens acquis ainsi n’opposoient à mes volontés ni difficultés, ni retards, ni oppositions; et tout m’annon- çoit que je pouvois aller par toute l ’Afrique. Quant à mes'voitures, il ne falloit plus y compter. A mesure qu’on s’éloigne des colonies et qu’on s’avance vers le tropique, le pays devient de plus en plus âpre et montueux. De toutes parts on n’y voit plus que montagnes, et rochers , dont les défilés sont pour la plupart escarpés comme des précipices, et par conséquent impraticables aux charriots. Je me voyois réduit à voyager avec des boeufs de charge ; moyen moins embarrassant, et infiniment plus économique, puisqu’en exigeant beaucoup moins de bêtes, il me dispensoit d’en avoir d’inutiles et m’assurtiit de pouvoir trouver par-tout celles qui m’étoient nécessaires. Dans le moment, et avec mon projet de visiter les Houzouânas, il me restait une troisième épreuve à faire. Aucun des Porte-sandales ne voulant me servir de guide, les moyens sur lesquels je comptais et qui jusqu alors m avoient réussi pour communiquer d’une horde à l ’autre, me manquoient tout d’un coup. Leur refus interrompoit la chaîne de mes correspondances ; et il me falloit trouver le moyen d y suppléer et de la rétablir par moi-même. Si je parvenois sans eux à pénétrer chez ce peuple qu’on me peignoit avec des couleurs si noires ; si je réussissois à me concilier son amitié , je n’avois plus rien à craindre ; il n’étoit point de nation que je ne püsse es"- pérer de connoître ; et d’avance , le succès de mon voyage se trou- voit assuré. Cependant mon excursion éhez les Houzouânas ne pouvoit être que très-courte ; et il me devenoit même impossible d’aller plus loin. Comme je ne m’étois proposé de quitter mon camp de 1.’Grange que pendant quelques mois, je n’avois emporté qu’une foible pacotille que les circonstances venoient d’entamer fortement,, et qui tiroit à sa fin. Or, quel espoir de me faire des amis, si je n’avois plus de présens ? Je sais que naturellement le Sauvage est bon; c’e s t -à -d ire , que si on ne l ’offense pas , il ne nuira point. Peut-être même pourra- t-on obtenir de lui quelques services gratuits. L ’intérêt n’est point sa passion dominante. S’il désire avec avidité les objets^qu’on lui montre, c’est plus par une sorte de curiosité enfantine que par un vrai besoin., Néanmoins il ne faut pas se flatter d’en tirer certains secours , si 011 ne lui présente point l ’appas de quelque récompense. Une autre raison encore qui me forçoit à hâter mon retour vers l’Orange étoit l’état où j ’avois laissé mon camp. Magiraffe, exposée Sur des piquets, pouvoit se gâter. Mes collections, fruit d’onze mois de peine, couroient les mêmes risques ; et je de vois attendre de Swanepoel plus de bonne volonté que de soins réels. En le chargeant de l ’inspection générale de ma caravane, je lui avois donné un emploi qui, convenable à son âge , exigeoit de lui peu de travail. Il s’étoit accoutumé à cette vie inactive. Aussi, quand il avoit balayé ma tente et fait mon café ou mon thé , croyoit-il avoir rempli sa journée. Avec un pareil homme, je ne devois pas compter beaucoup sur l’activité qu’exigeoit, pendant ma longue absence, la tenue de mon camp. D’ailleurs , qui pouvoit me répondre de la vie d’un vieillard ? et ne fût-il même que malade, combien d’inquiétudes ne devois-je pas avoir pour le fruit de tant de peines ?


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