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ce brave et respectable colon, dont j ’ai eu occasion de parler dans- mon premier voyage, et chez qui j’avois passé des momens agréables pendant mon séjour dans la baie de Saldanha, secondé de sa femme et de huit enfans, parmi lesquels étaient quatre jolies demoiselles, vint, avec ses salves d’usage, m’inviter à passer la nuit chez lui, et je ne pus m’en défendre. Le lendemain, pour épargner et mon tems et ma poudre, je me refusai constamment aux prières de ce genre. Je campai pour la première fois; mais comme la pluie venoit de tomber fortement, et que si elle continuoit je pouvois être arrêté par le débordement du Berg-rivier, je vins, le second jour, camper le long de ses bords; et le lendemain, je la laissai heureusement derrière moi. Cette rivière , qui a son embouchure dans la Baie - de - Saint- Hélène, et, selon Kolbe, bien au-delà, borne à l’est et au nord le canton nommé Swart-Land ( pays noir ), quoique les terres ne soient rien moins que noires ; elles sont, au contraire, sablonneuses , et produisent, malgré cela, toutes sortes de grains , à l’exception de l’avoine, qui ne croît nulle part dans les colonies et qu’on remplace par l’orge pour les chevaux. Dans le Swart-Larid, ces animaux n’ont, avec leur orge, d’autre nourriture que la menue paille. Aussi en été, quand l’herbe vient à manquer par le dessèchement des rivières et des ruisseaux, est-on obligé de faire passer les boeufs, dans des contrées moins a rid e se t de ne conserver à l’habitation que ceux qui sont absolument nécessaires, soit pour la culture des. terres, soit pour le transport des grains à la ville. Anciennement on trouvoit dans ce pays toutes les espèces de grand gibier, sans en excepter même l’éléphant. Aujourd’hui, on n’y voit plus, en ce genre, que quelques bubales, et rarement des pazans ; les colons, en s’y établissant, ont détruit ou éloigné d’eux toutes les antres. Quant au menu gibier, tel que le stfeen-bock, le duyker y legrys-boc, les lièvres, les perdrix, etc., ils y sont encore fort abondàns ; et peut-être même ne le sont ils que trop pour le bonheur de la contrée; puisque cette abondance y attire des hiennes, des jackals, des léopards, des panthères, et sur-tout des chiens sauvages, qui véritablement sont le fléau des troupeaux du canton. Le lion ne s’y montre jamais : soit fierté, soit prudence, cet animal évite les lieux habités; on diroit qu’il craint de se compromettre dans un combat inégal, où, à son courage et à sa force, on opposeroit des armes à feu. Au nord-est du Swart-Land, est le charmant et fertile canton des Vingt-quatre-rivières. C’était avec un plaisir nouveau que je revoyois ce paradis terrestre de l’Afrique méridionale ; ces campagnes riantes dont j ’ai donné ailleurs la description ; ces bosquets odoriférans d’orangers et de pampelmoes, qui séparent les habitations entre elles, et qui font regretter qu’elles se présentent toujours trop tôt, Quoique déterminé, selon la résolution que j’avois prise, de ne m’arrêter chez aucun colon , je ne pouvois cependant me dispenser de saluer en passant Hans Liewenberg, riche propriétaire, qui, en différentes circonstances, m’avoit témoigné beaucoup d’amitié, et chez qui j ’avois logé pendant mon précédent voyage dans le Vingt-quatre-rivières; Liewenberg employa, pour me retenir, les sollicitations le plus pressantes. Quelques-uns de ses voisins y joignirent les leurs : j ’y résistai pendant long-tems; mais il ne me fut pas possible de me défendre, quand un des fils de la maison, joignant ses instances à celles de son père , m’ofïrit, si je voulois y céder, de me faire tuer deux magnifiques oiseaux qu’il voyoit habituellement près de l ’habitation. D’abord cette promesse vague ne me parut qu’une de ces ruses adroites que se permet quelquefois la séduction de la politesse. Je fis au jeune homme plusieurs questions ; je le priai de me décrire les oiseaux dont il parloit, et il s’fen acquitta d’une manière si claire et si naïve, qu’à sa peinture je reconnus l’anhinga, oiseau rare, que je n’avois pas encore vu en Afrique. Une pareille découverte me prenoit, si j'ose le dire, par mon foible; dès -ce moment je n’eus plus la liberté du refus; et pour deux oiseaux' que je n’étois pas encore sûr d’avoir, j ’àccordair puisqu’il faut l’avouer à ma honte, ce que je venois de refuser aux prières de l’amitié.


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