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pour le faire réussir. Il ne m’étoit pas possible de lui donner des renseignemens sur la route que j ’ail ois tenir, parce que moi-même je l’ignorois, et qu’elle dépendoit absolument des circonstances locales qui pouvoient ou me favoriser ou me contrarier. Je disois seulement qu’en général mon plan étoit de traverser toute l’Afrique du sud au nord, en suivant néanmoins les erremens que me dictoit la prudence 5 que je comptais, revenir en Europe par l’Egypte ; ou par les côtes de Barbarie , si la voie du Nil m'étoit fermée; que cette entreprise, d’après mes "apperçus, pouvoit exiger environ six ans , et que, pendant ce tems, devant être dans l’impossibilité de donner de mes nouvelles, on ne devoit prendre aucune inquiétude de n’en point recevoir. !i >: mv Ces lettres', je n’avois pas.voulu les faire partir avant d’être certain que rien ne s'opposerait plus à mon voyage. Mais quand je le vis assuré, je les envoyai au Cap par Swanepoel , en priant le colonel Gordon de les faire parvenir à leur destination par le premier vaisseau neutre qui partirait pour l’Europe. Swanepoel à son retour m’en apporta une de Gordon, qui, par un nouveau témoignage de zèleet d’amitié me traçoit l’itinéraire que je devois suivre de point en point. Lui-même avoit fait,cette routé avec Paterson , voyageur anglois. Il connoissoit les lieux où je pouvois trouver de l’eau, et avoit la bonté de me les indiquer. Non content d’un service d’une si grande importance, il cherchoit encore à m’en rendre un autre, en me procurant la connoissance de deux personnages bien intéressans pour un voyage tel que le mien : l’un étoit un colon, nommé Schoenmaaker, qui vivoit à, la hottentote parmi les Sauvages; l’autre, un mulâtre Hottentot, parlant très-bien la langue namaquoise, et par conséquent fort en état de m’être utile , si je pouvois l’engager à me suivre. Gordon leur écrivoit à chacun une lettre dans laquelle il me recommandoit à leurs soins, èt qu’il m’envoyoit sous cachet volant, en me chargeant de la leur lire. Il est vrai, que ce n’étoit pas une chose facile de rencontrer dans leurs déserts ces deux créatures errantes. Mais le colonel medonjioit sur eux des renseignemens si précis, il m’indiquoit si clairement les moyens moyens dé les suivre, pour ainsi dire, a la piste, qu’en effet, arrivé dans leurs Cantons, je les trouvai, non sans beaucoup de peine cependant. Que l’amitié est ingénieuse dans ses procédés; et comment pourrai- je reconnaître jamais tout eè que j ’ai d’obligation à celle de Gordon! C’est à lu i, à lui seul que mes,gens et moi devons la vie. Sans rëssource, au milieu d’un désert aride et brûlant, forcé d’abandonner tous mes effets et mes chariots1, après avoir vu périr par la soif tous mes boeufs, l’un après l’autre; réduit enfin à n’avoir, avec mes pauvres camarades, que le lait de mes chèvres pour toute boisson , je n’atteàdois plus que la mort, ainsi qu’eux ; quand jë me rappellai ■lès deux nomades que m’avoit indiqués l’habile prévoyance du colonel. Guidé par ses instructions, je les cherchai; j ’eus le bonheur de les trouver, et nous fûmes sauvés. Mais n’anticipons pas sur des xnomens douloureux, dont la peinture me rappellera nécessairement des souvenirs qui ne sont que trop amers ; cependant m’étoit-il possible de prévoir ou de prévenir ces contrariétés ? Que je dus m’applaudir alors d’une précaution que, pendant mon séjour chez les Slaber, m’avoit suggéré sans doute un génie favorable ! savoir, d’augmenter le nombre de mes chèvres. J’en achetai plusieurs dans leur canton, et particulièrement de jeunes, lesquelles , à la vérité, ne donnoient point de lait encore, mais qui bientôt devoient en donner plus que leurs mères. J’ajoutai aussi à mes ■bestiaux trois vaches à lait. Enfin, parmi mes provisions de bouche , je voulus quelques sacs de farine ; non que je me datasse d’avoir ainsi du pain frais pendant ma route ; un pareil projet eût été insensé ; mais an moins il m’étoit possible de me procurer des bouillies, des galettes , des gâteaux , et ce changement me promettait une ressource. Toute habitude devient insensiblement pour nous un besoin: c’est ce que j’avois éprouvé dans le commencement de mon premier voyage. Il m’en avoit extrêmement coûté de me voir privé de pain tout à coup; et j ’espérois que dans celui-ci ma farine m’en déshabituerait peu à peu, en attendant qu’il fallut y renoncer entièrement ; d’ailleurs, si des circonstances me mettaient à portée de faire Tome I. M


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