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oiseau de proie. Mais quand nous l'eûmes considérée, plus attentivement; nous lûmes très-surpris d’appercevoir sur la branche voisine de celle qui portait l’oiseau, un très-gros serpent qui, totalement immobile, mais le coup tendu et les yeux enflammés, fixoit le pauvre animal. Celui - ci s’agitait et se débattait dune manière horrible, mais la frayëùr lui avoit ôté les forces; et, i comme s’il eut été retenu par les pieds , il sembloit avoir perdu la faculté de s’envoler et de fuir. Un de nous alla chercher un fusil ; avant qu’il fût de retour, la pie-grièche était déjà morte, et on n'abattit- que (le -serpent. . _ Je d e m a n d a i alors qu’on mesurât là‘distance qui se trouvoit entre la place on l’oiseau venoit d’éprouver ses convulsions mortelles , et celle qû’ôdcupoit le serpent quand il l’avoit itxél II y avoit de l’une à l’autre trois pieds et demi; et toute la société resta convaincue que , si le premier avoit péri, ce n’était point par les morsures'et1 le-poison du second. D’ailleurs, je dépouillai la pie- grièche en présence'de toutes les personnes qui se trouvoient la ; et j’eus soin de faire’remarquer qu’elle était intacte et n’offroif pas la moindre blessure. J’avois mes motifs pour parler ainsi. Quoique le fait que jè viens de raconter parut extraordinaire, et que ceux qui en avoient été témoins eussent de la peine à le croire, même après l’avoir V u ; cfependairt il n'était’poiût nouveau pour nibi. Déjà pareille aventure m’étoit arrivée dans le canton des Vingt-quatre-nvières ; ét je la racontai sur-le-champ ,pour confirmer celle' que nous venions ' de voir. Un jour, comme je chassois dans un marécage, tout à coup j’èntexidis sortir d’une touffe de roseaux'des cris douloureux et très- aigus. Curieux de savoir ce que c’étoit, j’approchai doucement, et vis une jietite souris qui, comme la pie-grièche, était dans une' agonie convulsive ; èt deux pas plus loin , un serpent qui la fixoit. Dès qhe le reptile m’apperÇut, il s’enfuit; mais déjà l ’effet dé’ sa présence avoit opéré. Ayant pris la souris, elle expira dans ma main, sans que, par l'examen le plus attentif,'il * rrvO E N A F R I Q U E . me fut possible de découvrir quelle avoit pu être la cause de sa mort. Des Hottentots, que je consultai sur ce fait, n’en parurent nullement étonnés. Ils. me dirent que rien n’étoit plus ordinaire, et que le serpent avoit la faculté de charmer et d’attirer à lui les animaux qu’il vouloit dévorer. Je ne crus point, pour le moment, à leur explication ; mais , quelque teins après, ayant parlé de l’aventure dans un cercle composé de plus de vingt personnes, et du nombre desquelles étoit le colonel Gordon, un capitaine de son régiment m’assura, comme mes Hottentots , qu’elle ne devoit point m’étonner, et que très-fréquemment elle avoit lieu. « Au reste, ajouta-t-il, mon témoignage sur de pareils événemens « peut avoir quelque autorité, puisque moi-même j ’ai failli d’en être « la victime. Etant en garnison à Ceylan, et m’amusant, comme «vous, à chasser dans un marécage, je fus soudainement saisi « d’un tremblement convulsif et involontaire, tel que je n’en avois « éprouvé de ma vie ; mais, en même tems, je me sentis attiré for- « tement, et malgré moi, vers un endroit du marais. Je jettai les « yeux de ce côté, et vis, avec horreur, à dix pieds de moi, un « énorme serpent qui me fixoit. Cependant mon tremblement ne « m’ayant point encore privé de toute faculté, je profitai de la liberté « qui me restait pour lâcher sur le reptile mon coup de fusil. L’ex- « plosion fut un talisman qui rompit le charme. A l’instant même, « et comme par miracle, ma convulsion cessa; je pie.sentis la force « de fuir ; et de cette aventure extraordinaire il ne me resta qu’une « sueur froide, qui, sans.doute, fut l'effet de la sensation, violente « que je venois d’éprouver et de la crainte du danger que j ’avois «couru». Tel est le récit que nous fit le capitaine. Sans vouloir aucunement en garantir la vérité, j ’ose au moins certifier et le fait de la souris, et celui de la pie-grièche. J’ajouterai même à cette remarque que, depuis mon retour eu France, ayant eu occasion d’en parler à Blan- chot, officier, et qui a succédé à Boufflers dans la place de gou- yerneur du Sénégal; Blanchot m’a fort assuré que, soit àGorée, Tome I. ■ ■ F


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