mon côté. En quatre heures nous traveriâmes la montagne d’A- gter-Bruyntjes-Hoogte , puis rafraîchis par un orage, qui fembloit arriver à fouhait, après quatre autres heures nous campâmes pour paffer la nuit. Nous vîmes toujours chemin faifant quelques habitations déiertes, dont les propriétaires , fans doute , étoient du nombre des confédérés. Le fol , dans cet endroit, me parut généralement bon ; les montagnes étoient couvertes de beaux & grands arbres , les plaines parfemées de Mimofa-Nilotica , regorgeoient de Gazelles & de Gnous ; ces derniers animaux, quoique très-bons à manger, font cependant inférieurs aux autres Gazelles, Par tous les renfeignemens que j’avois pris des quinze Hottentots qui avoient foulevé la Horde & me l’avoient enlevée ; j’eftimois que je ne devois pas être loin de l’endroit où tous les Colons s’étoient raifemblés. Je me flattois fans ceffe , de trouver parmi eux quelques gens de bonne volonté, qui , goûtant mes projets de pacification auprès des Caffres , & l’efpoir de fecourir de malheureux naufragés, s’y livreroient de bonne grâce, & s’em- prefferoient de me feconder. L’image de ces infortunés me fui- voit par-tout ; quel devoit être l’affreufe fituation des femmes , condamnées à traîner ainfi leurs jours dans les horreurs & tous les déchiremens du défefpoir. Cette idée ne défemparoit pas mon imagination, & m’attachoit de plus en plus à mon projet ; le défir de leur rendre la liberté, & de les ramener avec moi, m’étourdjffant de plus en plus fur les obftacles, ne me laiffoit voir que la poiïibilité du fuccès: combien j’étois impatient d’arriver chez cette Horde de Colons ! Dès le lendemain, après trois heures d’une marche entreprife au point du jour, je découvris enfin l’habitation tant défirée ! Du plus loin que ces gens m’aperçurent, je les vis tous s’affembler & fe groupper devant la maifon ; leurs mouvemens, leurs déplace- fliens , l’attention avec laquelle ils tournoient tous enfemble leurs regards vers moi, me faifoient affez comprendre qu’ils ne me voyoient pas fans alarme , & que mon convoi fur-tout les inquiétoit fortement. Je piquai des deux ; & les abordant avec politeffe , je tue fis connoître & déclinai mon nom. J’affeilai de ne marcher qu’avec l’autorité de la puiffance Hollandoife , à qui j’avois des comptes à rendre de mes découvertes. Cette fin de mon difcours très-ooncifc parut leur en impofer ; ils m’accueillirent alors avec les démonflrations de la plus grande jo ie , & me témoignèrent combien ils étoient enchantés de me voir. Ils m’avouèrent que ma barbe les avoit intrigués ( elle avoit alors onze mois de crue); qu’ils n’avoient fu non plus que penfer de mes armes, de mes chariots, de mon grand cortège ; qu’ils avoient fouvent ouï parler de moi ; qu’on leur avoit conté cent cataftrophes où j'avois failli perdre la v ie ; mais qu’on les-avoit affurés en dernier lieu qu’un vaiffeau que j’avois trouvé à l’ancre dans la baie Blettemberg m’avoit conduit à l'île Bourbon ; qu’ainfi ils n’avoient eu garde, en me voyant arriver, de croire que ce fût moi. Après avoir effuyé cent queftions auxquelles on ne me donnoit pas le temps de répondre, je leur déclarai les motifs qui m’avoient conduit vers eux , & la réfolution que j’avois prife de pénétrer dans le fond de la Caffrerie. Je ne leur cachai pas combien j’étois ftirpris de ce que , jufqu’à ce moment, ils n’avoient point encore tenté de fauver les malheureux Européens, dont ils n’ignoroient pas le fort ; que j’efpérois trouver parmi eux des hommes de bonne volonté , qui fe détacheroient pour venir avec moi vers la côte fur laquelle avoit péri leur vaiffeau; qu’il ne falloit pas douter que le Gouvernement Hollandois ne récompenfât glorieufement les Auteurs d’une fi belle entreprife ; & , pour les déterminer d’autant plus, je ne manquai pas d’ajouter que, parmi les effets du vaiffeau qui étoient encore en partie fur la côte, chacun d’eux trouveroit l’avantage de fe procurer à peu de frais mille aifances pour le refte de fes jours. Cette raifon parut les ébranler un-moment ; mais j’en augurai mal, quoiqu’ils s’empreffaffent de me répondre que , fi les chofes étoient telles que je les leur dépeignois, il n’y avoit rien de fi jufte que d’aller au fecours de ces malheureux , qui , dans le fond, étoient, difoient-ils, leurs frères, leurs femblables. Le plus rufé comme le plus lâche de la troupe, ne prenant de mon difcours que ce qui intéreffoit fa cupidité , ajouta , pour les autres, qu’il étoit trop probable que les Caffres avoient déjà
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