que mes Chevaux ne quitteroient plus le piquet, afin qu’en cas dalarme, ils fuffent toujours fous la main; mon grand fiifii bien chargé devoit relier au camp,.& trois coups tirés à des intervalles égaux étoient le lignai de ralliement pour ceux que leurs occupations diverfes auroient trop éloignés du centre commun. Nos précautions auffi bien prifes & connues de tout le monde , je montai a Cheval ; & , fuivi de deux de mes gens bien armés, je fis une patrouille rigoureufe afin de découvrir fi, dans les environs , il ne rôdoit pas quelques Caffres, & de fufiller impitoyablement le premier que j’aurois vu caché dans l’intention de nous furprendre, s il métoit impolîible de l’enlever vivant. Rien ne fe préfenta. Je pouffai plus avant dans l’après-diné. La rivière jufqu’à fon embouchure étoit bordée d’arbres épineux, la terre fablonnenfe, couverte de buiffons, & peuplée d’un abondant gibier. J’en tuai quelques pièces par provifion. Nous ne vîmes rien paroître qui dût nous inquiéter ; convaincu que nous n’avions , pour le moment, rien a redouter de ces Caffres fi terribles, dès le lendemain matin je fis lever le camp , & nous quittâmes le Swaar-Kops. La Horde de Hottentots, effrayée au feul nom de ces cruels vengeurs, fe propofoit d’aller s’établir plus loin, pour n’être plus dans le voifinage de la Caffrerie. Lorfqu’elle me vit près de partir, elle me demanda la permiflion de me fuivre, & de fe mettre fous la proteffion de mon camp. Je leur accordai cette grâce; & , quoique dans le fond je fuffe enchanté de leur propofition, je men fis adroitement un mérité, autant dans le delTein de les tenir fous ma dépendance, que de raffurer mes gens par ce fimulacre impofant, & de foutetiir leur courage. Je ne pouvois rien délirer de plus favorable; je renforçois ma troupe, & j’avois par-deffus les reffources particulières de cette Horde, l’avantage de ma petite artillerie qui pouvoit faire face à des nuées de Sagayes(*) , & tendre nuls tous les efforts d’une armée de Sauvages, fi j’étois bien fécondé. En moins de deux heures, les cabanes furent démontées, (*) Eip.ècç de lance dont fe fervent les Caffres avec beaucoup d’adrelïè. empaquetées empaquetées & mifes avec les autres effets fur le dos des Boeufs auxiliaires. . Je fis d’abord partir avant moi la moitié des hommes de cette Horde avec tous leurs beftiaux ; je leur donnai deux de mes gens bien armés pour les efcorter ; ils emmenoient aufli un de mes Chevaux, afin qu’en cas d’accident, ils puffent m’en donner plus promptement connoiffance. Une heure après, je fis filer nos relais, vaches, moutons , & chèvres, & toutes les' femmes de la Horde avec leurs enfans, montées fur leurs Boeufs; une partie de leurs hommes marchoit derrière. Cette compagnie étoit encore efcortée par fix de mes Chaffeurs. Mes trois voitures fuivoient avec le refte de mes gens tous armés. Enfin, monté fur mon meilleur Cheval, pour avoir l'oeil à tout, je galoppois fur les ailes, à droite , à gauche , en avant, en arrière , dans la crainte où j’étois fans ceffe de quelqu’embufcade imprévue; car je puis affurer que , le Chef une fois démonté , toute la caravane n’eût été qu’une boucherie horrible & la proie d’un moment. J’étois armé de toutes pièces. Je portois une paire de piftolets à deux coups, dans les poches de mes culottes; une autre paire pareille à ma ceinture ; mon fufil à deux coups fur l’arçon de ma felle ; un grand fabre à mon côté , & un crit ou poignard à la boutonnière de ma vefte. J’avois dix coups à tirer 'dans le moment. Cet arfenal me gênoit un peu dans les commencemens : cependant je ne le quittai plus du tout , autant pour ma propre fûreté que parce qu’il me fembla que j’aügmentois , par cette précaution , la confiance de tout mon monde ; mes armes lui répondoient fans doute de mes réfolutions ; dans cette penfée chacun fuivoit tranquillement fon chemin, fe repofant fur moi du foin de le défendre. Cette caravane en marche étoit un fpeûacle unique, amufant, je pourrois dire magnifique. Les finuofités qu’elle étoit obligée de faire en fuivant les détours des rochers & des buiffons , lui donnoient continuellement de nouvelles formes , & ce point de vue varioit à chaque inftant. Quelquefois elle difparoiffoit entièrement Tome r, S
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