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vj P R É F A C E l’erreur ou de Fobfcurité, fi je ne leur donnois cette c le f , indifpenfabîe à quiconque jetteroit pour la première fois les yeux fur cette partie de l’Hiftoire Naturelle. Je pardonne à ces Ouvrages volumineux, à ces compilations immenfes où l’on met a contribution les Livres anciens , où les'textes font tout au long c ités, o ù , par cela feul qu’ils font anciens, on préfente comme des vérités immuables, les rêves de l’imagination ou de l’ignorance. Mais lorfqu épris de la manie d’une Science, 8c ne trouvant pas en foi les rcflouiccs propres à en étendre les progrès ; que du fond de fon Cabinet on prétend établir des principes 8c difter des loix ; qu’on abufe des dons heureux du génie pour propager de vieilles erreurs, & couvrir de toutes les grâces de l’élocution les menfenges avérés de nos Pères ; qu’on les déguife , qu on les - tourmente , qu’on fe les approprie en connoiifance de caufe, je ne fais point grâce à l’Ecrivain qui fe pare ainfi de la dépouille d autrui, quelque peine qu’il ait prife pour en raflbrtir les lambeaux. Bien réfolu de ne parler que de ce que j’ai v u , de ce que j’ai fa it, je ne dirai rien que d’après moi-meme , 8c certes on ne me reprochera pas les fautes de ceux qui mont précédé. S i , dans quelques endroits de mes récits, on rencontre des obfervations diamétralement oppofées a celles des autres V oyageurs, je n’entendrai pas toujours conclure de la quilsfe font trompés; je ne veux déprécier perfonne ; j’aimerois mieux ( fur certains articles) imaginer que la différence des temps ou des points de vu e , en a produit dans les rapports 8c les refultats ; ce ne feroit plus, fi l’on veut, qu’une erreur , une illufion d’optique. Mais fur lés objets q u i , pour avoir été trop légèrement aperçus , défigurent effentiellement la vé rité, mon fentiment, quoiqu’il ne cherche point à prévaloir, ne pliera jamais, lorfqu’il fera sur du fait 8c qu’il marchera précédé de fes preuves. Il n’y a pas un fiècle que le goût des Voyages s’eft répandu dans l’Europe ; le François fur-tout plus qu aucun autre Peuple, heureux dans fa Patrie, attaché comme la moule par fon biffus à fa terre natale, le François fe déplaçoit avec peine, P R É F A C E vij regardoit une abfcnce d’un mois comme urieefpèce de dévouement ; il fe contentoit d’attendre , 8c recevoir avîdcmment les contes ridicules de quelques charlatans téméraires fur les Pays lointains ; il s’amufoit des récits de leurs découvertes mer- veilleufes 8c de leurs aventures incroyables ; l’exagéïateur Ecrivain marchandoit, fi je puis parler ainfi, avec la crédulité publique , 8c fe trouvoit trop payé de ne voir rabiftre que la moitié de l’enflure 8c du merveilleux de fon Livre, Les Sciences croupiffoient dans les ténèbres de l’inceititude, 8c l’Hiftoire Naturelle n’étoit pas même encore à fon enfance. - Peu à peu le génie des découvertes a déployé fes ailes; les Arts 8c les Lettres ont cédé la place aux Sciences ; la paifion des Voyages s’eft' éveillée ; ce défir toujours plus infatiable de connoître 8c de comparer s’eft agrandi en proportion des miracles qu’il a produits ; on n’a plus connu de bornes à mefurc que les dangers fe font applanis ; 8c ce qui paroiffoit autrefois un obftacle infurmontable , n’eft aujourd’hui qu’une exeufe puérile, un moyen honteux de cacher fa foibleife & fon inertie. Plus qu’aucun autre , élevé dans des principes tout-a-fait contraires , j’ai nourri dans mon coeur le goût le plus ardent pour les Voyages, &: quoique j’aie fait depuis pour l’étouffer, ce n’eft qu’en cédant à mes tranfports que je fuis parvenu a en modérer la violence. ' J ’ai traverfé les mers; j’ai voulu voir d’autres hommes, d’autres productions, d’autres climats; je me fuis enfoncé dans quelques déferts ignorés de l’Afrique : j’ai conquis une petite portion de la terre. Je ne fongeois point à la réputation ; je ne connoiffois point en moi de titres pour y parvenir ; je ne m’occupois que de mes plaifirs. Mes amis 8c ma famille ont voulu me perfuader que la relation de mes Voyages & le détail de mes découvertes en Hiftoire Naturelle pourroient être de quelqu’utilité ; je leur livre cette relation 8c ces découvertes telles qu’elles font 8c pour ce qu’elles valent, n’entendant y attacher d’autre mérite


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