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M. Martines; je le connoiffois pour l’avoir vu quelquefois au Cap chez M. le Fifcal ; je l’allai vifiter ; il m’engagea , comme font prefque tous les Colons, à refter quelques jours avec lui ; l’impatience où j’étois d’avancer m’avoit fait prendre mon parti; je le refufai opiniâtrément. Vers midi, je paffai près d’une petite horde de Hottentots ; ils me parurent fi miférables que je leurs fis quelques préfens. Us n’avoient pas une feule pièce de bétail, & vivoient des travaux de leurs bras fur les habitations du voifinage ; j’invitai plufieurs d’entr’eux à me fuivre , 8c leiir promis de les bien payer au retour ; ils ne fe laiffèrent entraîner que lorfque je les eus aflùrés que je leur donnerois une ration fufiilante de tabac pour la route. Alors ils me donnèrent parole pour le lendemain. J’allai paffer la nuit au Tiger-Hoek ( coin du Tigre ). J’attendis mes recrues jufqu’à neuf heures du matin : dans le moment où je commençois à ne plus compter fur ces gens, & me difpofois à continuer mon chemin, je les vis arriver au nombre de trois avec armes 8c bagages. Ce petit renfort me fit plaifir. Ils fe mêlèrent avec les autres , & furent bientôt accoutumés. Je remis mon départ à l’après-midi , & réfolus, en attendant , de faire une tournée dans les environs. Un des nouveaux arrivés me demanda la permifiion de me fuivre, en m’aflùrant qu’il étoit un excellent chafleur : j’avois apporté de l’Europe cette prévention qu’on a toujours contre les gens qui prennent foin de fe préconifer eux-mêmes, 8c je n’avois pas du talent de' mon Hottentot une haute opinion ; je lui fis donner un fufil, & nous partîmes enfemble. Nous eûmes bientôt joint quelques troupes de Gazelles ; le Pays en étoit couvert ; mais elles fe tenoient toujours hors de portée. Enfin, après avoir bien couru, mon chafleur m’arrêtant tout d’un coup , me dit qu’il aperçoit un Blawe-Bock ( un Boue bleu ) couché. Je porte les yeux vers l’endroit qu’il m’indique & ne le vois pas. Il me prie alors de refter tranquille & de ne faire aucun mouvement , m’aflùrant de me rendre maître de l ’animal. Auflitôt il prend un détour, fe traînant fur fes genoux ; je ne le perdois pas de v u e , mais je ne comprenois rien à ce manège nouveau pour moi. L’animal fe lève & broute tranquillement fans s’éloigner de la place. Je le pris d’abord pour un cheval blanc ; car, de 1 endroit où j’étois refté, il me paroifloit entièrement de cette couleur ( jufques-là je n’avois point encore vu cette efpèce de Gazelle): je fus détrompé lorfque je vis fes cornes. Mon Hottentot fe trai- noit toujours fur le ventre, il s’approcha de fi près & fi promptement que mettre l’animal en joue & le tirer fut l’affaire d’un inftant ; la Gazelle tomba du coup. Je ne fis qu’un faut jufques-là & j’eus le plaifir de contempler à mon aife la plus rare 8c la plus belle des Gazelles d’Afrique. J’aflùrai mon Hottentot que , de retour au camp, je le récompenferois généreufement. Je 1 envoyai auflitôt chercher un cheval pour tranfporter la chafle. L intelligence de cet homme & les divers moyens qu’il avoit employés pour furprendre l’animal me rendoient fon fervice important 8c précieux; je me propofois-biende me l’attacher par tous les appats qui féduifent les Hottentots. Je commençai par lui donner une forte provifion de tabac 8c je joignis a ce préfent de 1 amadoue, un briquet 8c l’un de mes meilleurs couteaux. Il fe fervit de ce dernier meuble 8c fe mit à dépecer 1 animal avec la tneme adrefle qu’il l’avoit tiré. J’en confervai foigneufement la peau. Cette Gazelle a été décrite par Pennant, fous le nom d'Antilope bleu.-, par Buffon,faus le nom de T{ciran. Ce dernier Naturalifte a donné la figure d’une partie de fes cornes; elle eft rare 8c très-peu connue. Lors de ma réfidence en Afrique, je n ai vu que deux de ces Gazelles 8c une autre qui fut aportée au Gouverneur;, quelques années après, pendant l’un de mes féjours a la V ille. Elles .venoient, comme la mienne , de la vallée Soete-Melk, feul canton qu’elles habitent. On m’avoit aflùré que j’en vetrois dans le pays des grands Namaquois ; malgré toutes mes informations 8c perqui- fitions, j’ai été trompé dans cette attente. Tous les Sauvages m ont alluré ne point la connoître. On m’avoit encore attefté que la femelle portoit des cornes ainfi que le mâle ; je ne puis rien dire là-deffus , puifque les feules que j’aye vues étoient toutes trois de ce dernier genre. Sa couleur principale eft un bleu léger, tirant fur le grisâtre ; le ventre 8c l’intérieur des jambes dans toute leur longueur font d un H ij


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