& fe brifer contre la Table, le Diable & le Lyon ; les pluies font alors continuelles au Cap, tandis que, deux lieues à la ronde, on jouit du plus beau ciel & du temps le plus fec ; quelquefois , elles tombent fur toute la partie qui fe trouve entre la baie de la Table Si la baie Falfo,k l’Eft.de cette chaîne de monts énormes qui s’étend jufqu’à l’extrémité de la pointe d’Afrique , tandis que le côté Oueft eft pur & fans nuages. C’eft une foible image de ce qui arrive aux côtes de Coromandel & du Malabar, excepté qu’ici ce fpe&acle eft plus merveilleux, parce qu’il eft plus fen- fible & plus rapproché. En effet, de deux amis partant enfemble de la Ville pour aller à la baie Falfo , celui qui prend fa route à l’Eft de la montagne emporte fon parapluie , celui qui va par l’Oueft emporte fon parafol. Ils arrivent au rendez-vous , l’un haletant & trempé de fueur , l’autre mouillé & glacé par la pluie. Les Étrangers font généralement bien accueillis au Cap , chez les perfonnes attachées au fervice de la Compagnie & quelques autres Particuliers ; mais les Anglois y font adorés , foit qu’il y ait de l’analogie dans les moeurs des deux Nations, foit plutôt parce qu’ils affectent beaucoup de générolïté. Ce qui doit paffer pour confiant, c’eft qu’on s’empreffe, dès qu’il en arrive, à lepr ■ offrir des logemens. En moins de huit jours , tout eft Anglois dans la maifon qu’ils ont choilie, & le maître & la. femme & les enfans en prennent bientôt toutes les manières. A table , par exemple, le couteau ne manque jamais de faire les fonâions de la fourchette. De toutes les Nations, la Françoife eft la moins confidérée. La Bourgeoifie für-tout ne peut la- fouffrir. Cette haine eft portée au point que fouvent j’ai ouï dire à des Habîtans qu’ils aimoient. mieux être pris par les Anglois que de devoir leur falut aux armes de la Nation Françoife. Je prenois d’abord ces difoours pour de l’exagération, & penfois , au contraire, que ces gens-là fe fai- foient une illufion de commande pour diminuer , à leurs propres y e u x , le mérite des fervices que leur rendoit actuellement la France, & fe difpenfer tout bas du fardeau de la reconnoiflance. Quoi qu’il en foit, je crois aujourd’hui que les François auroient eu beaucoup à fe plaindre de cette Colonie, fi quelques perfonnes diftinguées , dont la prudence mettoit un frein aux murmures de la multitude I n’avoient un peu balancé l’injuftice de cette inimitié par tous les fervices obligeans & les fecours effentiels dont les circonftances leur faifoient un devoir. Ces hommes recom- mandables ne font point inconnus au Miniftère de France , qui honora l’un d’eux de lettres de remercîmens de la part du Souverain. Eh ! qui n’a point eu à fe louer des procédés nobles & défintéreffés de M. Boers , Fifcal , & n’en conferve à jamais la mémoire dans fon coeur ! Je lui rends, pour ma part , un hommage bien fincère & bien pur. Puiffe cette vérité qui m’échappe répandre autant le fouvenir de fon nom , qu’elle affligera fa modeftie ! d é p a r t P o u r l a B a i e d e S a l d a n h a . L e s nouvelles de la rupture entre l’Angleterre & la Hollande répandues avant notre arrivée, celles plus pofitives encore que nous apportions , que l’ennemi ne s’endormoit pas , firent .craindre qu’on ne le vît inceffamment arriver. En conféquence , le Gouvernement jugea qu’il n’y avoit point de temps à perdre, & que les Navires en rade dans la baie de la Table , devoient fe réfugier à l’inftant dans celle de Saldanha , où ils. pourroient échapper plus fûrement aux recherches des Anglois : l'ordre en fut donné à tous les Capitaines. Cet événement fembloit favorifer mes def- feins , & je me propofai de partir avec la flotte. M. Vangenep , qui commandoit le Milàelbourg, eut la bonté de m’offrir un très- agréable logement fur fon Bord, & toutes les facilites pour m occuper fruûueufement des recherches que je méditois , lorfque nous ferions dans la Baie ; j’acceptai fes fervices avec autant d’em- preffement que de reconnoiffance; je fis embarquer mes effets; le
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