rifques de tout ce qui pouvoit en arriver, & que nés deffeins nous y conduifoient affez naturellement, nous empaquetâmes à l’inftant nos équipages , & fîmes nos adieux à Keès-Fontein. Nous eûmes à traverfer une efpèce de bois où les Mimofa étoient en fi grand nombre , tellement épais & fi remplis d’ailleurs de brouffailles, qu’à peine pouvions-nous faire dix pas fans être obligés de nous arrêter, pour nous frayer un paffage ; j’en étois cruellement contrarié, fur-tout à caufe de nos boeufs qui s’écar- toient fans ceffe pour fe tracer des chemins de côtés & d’autres; nous fortîmes à la fin de cette cruelle forêt; mais je fuis perfuadé qu’après tant de fatigues , de tours & de détours qui durèrent l’efpace de trois heures, nous ne nous trouvions pas à plus d’une lieue de Keès-Fontein. Nous avions devant nous un fourré à peu près pareil à celui que nous venions de traverfer ; pour l’éviter, nous le longeâmes, en prenant notre direêlion plus au Sud-Oueft. Couverts de fueur & de pouflière , accablés de chaleur , après plus de fix heures de marche, nous nous arrêtâmes à côté d’une Lagune qui fe préfentoit à nous fort à propos. Un de mes chiens qui s’étoit confidérablement échauffé à la pourfuite du gibier, faillit de périr; je le perdois , fi Jan qui l’aperçut dans l’eau, ne s’y fut lancé fur le champ pour l’en tirer ; j’appuie fur cette circonfiance , qui paroîtra tout au moins indifférente au commun des Letteurs , pour établir un fait dont je n’ai été témoin qu’en Afrique. Sitôt qu’un chien très-échauffé fe jette à l’eau pour fe rafraîchir , il'meurt le moment d’après s’il n’eft fecouru à tems. Dans une chaffe avec M. Boers , un grand lévrier précédoit fa voiture d’une centaine de pas ; il entra dans un petit ruiffeau que nous devions traverfer après lui ; il expiroit lorfque nous arrivâmes. A peine campés & rafraîchis, j’envoyai quelques Hottentots à la découverte du côté fur-tout qui nous avoit inquiétés pendant la nuit. En moins d’une heure j’eus des nouvelles de ce meffage; je vis arriver un de mes gens accourant pour me dire qu’il avoit aperçu une troupe de Caffres en marche. Auffitôt il nous conduifÿ Hans & moi par des détours , & nous mit à portée de nous jnftruire, par nos y eux , de ce que ce pouvoit être. Nous vîmes, en en effet, dix h o m m e s qui conduifoient paifiblement quelques betes à cornes; n’ayant rien à craindre d’un fi-petit nombre ,-nous nous préfentâmes à une certaine diftance ; le premier mouvement de ces gens effrayés, fur-tout par nos armes à feu, fut de prendre la fuite; mais Hans leur criant, dans leur langue , qu’ils pouvoient s’approcher avec confiance , les fit arrêter fur le champ. Il fe détacha pour aller leur parler ; lorfqu’il les eut convaincus que j ’étois l’ami des Caffres , ils approchèrent tous; je les reçus familièrement & leur préfentai la main en les faluant d’un tabe ; leur frayeur difparut à la vue de ma barbe ; iis avoient ouï parler de moi par ceux que j’avois reçus dans mon camp de Koks-Kraal. L un d’eux étoit de la connoiffance de Hans, qui l’avoit vu dans fon pays ; je les ramenai tous à mon campement avec leurs beftiaux, & je les régalai de tabac & d’eau de vie ; ils me montroient mon pavillon pour me faire comprendre qu’ils étoient bien inffruits; ils s’étonnoient de ne point voir mes voitures & toute ma troupe; mais ne voulant pas qu’ils suffent a quel point ils etoient redoutés des Hottentots , ¿e leur fis entendre que j’avois voulu faire feulement une petite tourrftfe dans leur pays, pour y prendre langue , & le parcourir enfuite plus a mon aife. Ils me parurent empreffés de favoir où fe trouvoient aûuelle- ment les Colons; s’ils les cherchoient encore; en un mot, quelles pouvoient être leurs intentions. Je les inffruifis la-deffus comme il convetioit que je le fiffe. J’avois vu les Colons retirés tous au Bruyntjes-Hoogte, s’y tenir fur la dêfenfive , & agités, de terreurs non-moins fortes , que les Caffres mêmes. Ceux-ci venoient de m’apprendre que, pour regagner les Hordes de leurs Nations les plus voifines, il leur falloit encore , de l’endroit où j’étois, cinq grandes journées de marche : ainfi , calculant la diftance qui les féparoit les uns des autres , & que je portois à peu près à une foixantaine de lieues, je pouvois , fans les tromper, diminuer leur Crainte, & leur faire entendre que les Colons n’étoient ni en état ni dans la difpofition d’entreprendre un fi long voyage. Cette déclaration les raffura. Ces pauvres gens étoient trop malheureux pour ne pas exciter ma pitié ; jamais les Caffres n’avoient été Terni II. T t
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