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* ils ne purent me donner tous les détails que je leur demandois; ils avoient Amplement connoiffance du fait; mais, établis au Nord- Oueft, plus éloignés encore que moi de la mer, ils ne favoient rien de politif fur cette malheureufe cataftrophe ; à la vérité , la plupart des effets enlevés des débris du Navire leur étoient connus; plufieurs Hordes en avoient troqué contre des beftiaux ; ceux mêmes que j’avois dans mon camp poffédoient quelques parcelles de ces effets ; l’un me fît voir une pièce de monnoie d’argent qui pendoit à fon cou; un autre portoit line petite clef d’acier; ils me firent, comme ils purent , la defcription d’un bijou dont ils s’étoient partagé les morceaux ; je devinai bientôt que ce devoit être une montre dont on avoit démonté les rouages & les autres pièces pour s’en faire des parures & des ornemens ; j’en fus mieux convaincu, lorfque leur ayant montré la mienne , ils s’écrièrent tous que c’étoit la même chofe avec cette différence qu’ils ne reconnoiffoient point la couleur qui reffembloit , difoient-ils , à la pièce de monnoie que le Caffre portoit à fon cou ; ils ajoutoient que les plus beaux effets provenus de ce Navire avoient été la proie d’un grand nombre de Caffres plus voifins de la mer; qu’ils poffédoient fur-tout beaucoup de ces monnoies ; à l’égard des hommes échappés au naufrage, ils avoient ouï-dire que les uns avoient été trouvés morts fur le fable, & que les autres plus heureux s’étoient retirés dans un' Pays habité par des Blancs comme moi. Mes entretiens avec ces Caffres finiffoient toujours par des follicitations réitérées de partir avec eux. Cet arrangement, quand il auroit été de mon goût , ne pouvoit s’accorder avec ma prudence; car, fi je ne les eroyois pas capables de me tromper, d’at- ténter à mes jours & de voler mes effets, je ne devois point les inflruire de mes démêlés avec mes gens , leur faire eonnoître qu’il ne m’étoit pcffible: d’emmener avec moi que huit hommes, les autres refufant de me> fuivre; J’étoisau contraire charmé que, de retour chez eu x, ils appriffent aux leurs que nous étions en force & en nombre, & n’avions rien à redouter de leur part; cette divifion pouvoit . leur fuggérer de mauvais deffeins ; rien n’empêchoit , tandis qu'il m’auroient amufé chez eux , qu’un détachement ne partit pour s’emparer de mon camp , & maffacrer ceux à qui j’en aurois confié la garde. Tant d’horreurs commifes par lies Blancs me faifoieat une loi de prendre mes fûretés avec ces Sauvages dont je n’aurois eu rien à craindre dans toute autre circonftancë ; c’efl ainfi, par exemple, que j’obfervai à leur égard avec encore plus de rigueur la loi de ne laiffer aucun Etranger s’introduire , la nuit, dans mon camp ; mon vieux Svanepoël veilloit à ce que cette difcipline s’obfervât religieufement ; nous dormions toujours ifolés & murés dans nos pares ; il étoit encore moins permis de fortir dans la nuit, ce temps étant toujours celui que choiliffent les Sauvages pour former leurs attaques contre les Blancs que leur couleur & leurs vêtemens décèlent bientôt & qu’on aperçoit de fort loin , mon abfence bien connue de ces Caffres, tout m’auroit alarmé fur le fort de ceux qui ne m’auroient pas fuivi; en ne leur faifant point eonnoître le moment précis de mon départ, ils s’en alloient avec la certitude que, lorfque je me remettrois en marche , je ne laifferois rien après moi ; car je leur avois dit que je renverrois mes chariots dans la Colonie. Enfin , le 21 Novembre, ils vinrent tous me prévenir qu’ils s’étoient arrangés pour partir le jour même ; ils renouvelèrent leurs proteftafions de reconnoiffance & de bonne amitié, & me promirent que par-tout où ils pafferoient, leur premier foin, feroit de publier ce qu’ils avoient v u , combien ils avoient à fe louer de moi, & la façon affeûueufe & familière avec laquelle je les avois traités pendant un affez long féjour ; que les richeffes dont je les avois comblés , feroient plus d’un jaloux , & que toutes les Hordes m’attendroient avec la plus vive impatience, & me verroient arriver avec joie- La defcription qu’ils fe promettoient de faire de. mon camp, de ma perfonne, & fur-tout de ma barbe , devoit, ajou- toient-ils, fervir de fignalement à ceux qui ne me connoiffoient pas, & me faire accueillir tout autrement qu’un Colon ; ils fe tournèrent enfuiîe, comme de cOncert, du côté de ma tente » fur laquelle fluttoit un pavillon , & me demandèrent fi je ne le porterais pas avec mol, afin qu’on m’aperçût de plus loin ; fur ma


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