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nul compte à rendre de mes aérions; qu’une conduite fans reproche plaçoit mon ame au-deffus de la crainte; qu’ami, de tous les hommes, je déteftois tous traîtres ; que, n’époufant aucune querelle qui me fut étrangère, je n’avois nulle raifon d’en vouloir à ces Caffres dont j’étois environné & auxquels je m’emprefferois de rendre tous les fervkes que de bons peuples & des amis avoient le droit d’attendre de tout être humain, compatiffant & jnfte ; que je répondois d’eux & les prenais fous ma garde y autant de temps qu’ils refteroient avec moi ; mais que l’équité qui me portoit à. les défendre, me fetoit .également une loi de tourner contr’eux rues armes , fi je.-les; voyois. entreprendre la plus légère tentative contre les Colons; que j’étôA-. affez inftruit de la conduite des uns & des autres, pour être affuré. que ces Sauvages., qui. ne reipi- roient que la paix & le repos, ne donneroient jamais le fignal des premières, hoftilités, . i y. . Après ce difcours un peu vif & preffé, je donnai ordre à. ces quatre Bafters de déguerpir à l’inftant, & les fis efeorter par quatre fufiliers jufqu’à ce qu’ils fuffent hors de vue; je les avais avertis que fi jamais, fous quelque prétexte que ce tût, ils s’avifoient de reparokre chez moi» je les pourfuivrois'comme les bêtes féroces, eux & quiconque fe préfenteroit dans des intentions pareilles .à celles qui les avaient amenés ; ces dernières menaces firent: quel- qu’impreflion fur mes Hottentots que tout ce bruit avoit affemblés autour de ma tente. Quand leur tour fut venu d’être interrogés fufi le fecret criminel qu’ils m’avoient fait du féjour de ces efpions dans mon camp, aucun d’eux n’ofa ptoférer un feul mot de défenfe 8i d’excufe; je m’exhalai en reproches très-vifs & très-amers; je leur déclarai que je fertois battre & chaffer le premier d’entr’eux qui- tourneroit fes pas du côté qu’habitoient les Colons, avec leiquèls je ne voulais avoir aucune communication »- je traitai Slinger avec dureté, & lui défendis de quitter fon pofte, fans mon ordre. Les Caffres,. témoins de cette fcène » avoient remarqué: que je les avois plus d’une fois délignés par mes geûes;ils en paroiffoient intrigués à l’air enflammé de mes traits , à la- conflernation qui régnoit parmi mes Hottentois y ils. pouvoient. fentir combien c e ■qui venoit de fe paffer dans mon camp , m avoit donné d humeur & d’animofité contre mes gens; mais, entendant moins encore notre langue que je ne comprenoiS la leur , ils paTOÎffoient autant furpris qu’inquiets de tout ce bruit ; ils exprimoient, par leurs regards errans de tous côtés & fur nos vifages', la perplexité qui tenoit en fufpens leurs efprits ; Hans prit foin de leur expliquer cette énigme ; il me fembla que cette ouverture les raffuroit un peu ; mais, lorfqu’il les eut inftruits que les Colons s’étoient réfugiés fi près de nous , cette nouvelle les tontrifta ; ils craignoiertt que, prévenus de leur féjour chez moi par le rapport des quatre efpions que je venois de chaffer, ces Blancs perfides & vindicatifs naccou- ruffent auflîtôt, dans l’intention de les attaquer & de les détruire juiques dans mon camp ; j’eus beau les raffurer & leur promettre appui, sûreté, proteérion , je ne vis plus en eux cette gaîté franche & naïve, qui naît de la tranquillité de l’efprit ; ils fe partaient beaucoup plus entr’eux, & fembloient concerter leurs mefures, & ne délirer que le départ & la fuite; Hans, qui les avoit accompagnés ce foir-là, lorfqu’ils s’étoient retirés dans leur Kraal, m a- voua, le lendemain, qu’ils le foupçonnoïent d etre un traître qui les avoit amenés chez moi pour les y faire égorger, & que con- féquemmenc je n’étois pas moi-même a labri de tout foupçon ; qu’ils avoient reconnu l’un des quatre Bafters pour etre venu fou- vent dans leur Pays , fous prétexte d’échanger des beftiaux; que le croyant un ami fidèle: & sûr , ils lui avoient accorde toute confiance, & ne le voyoient jamais arriver fans lui témoigner combien fa vue leur eaufoit de fatisfaôion , mais que bientôt le monftre les avoit vendus lâchement ; que depuis il n’ofoit plus reparoître chez eux , de peur d’y trouver, dans la mort la plus prompte, la punition dûe à fes perfidies. Hans me fit part, en outre , de la réfolution qu’ils avoient prife de s’en retourner ; ils me prioient, par fa médiation, de vouloir bien troquer quelques-uns des Boeufs qu’ils avoient amenés, contre de Ta vieille féraille ; je leur refufai nettement cet article, & leur fis entendre qu’il m’étoit impoflible d’acquiefcer à leur demande, attendu que je ne voulois pas être accufé d’avoir fourni Pp ij


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