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tions auquel le gofier françois n’eft pas fait, & qu’il faiik avec peine. De tous les vocabulaires publiés dans différens ouvrages ; il n’en eft pas un dont on puiffe comprendre un feul mot; c’ell en vain qu’on voudroit en faire ufage; on ne feroit point eTitendu; & jamais un Hottentot ne foupçonneroit même que ce fût fa langue qu’on lui parlât. Il femble qu’on fe foit plu, dans tous ces vocabulaires , à retrancher le feul caractère qui fouvent fait toute la lignification d’un mot ; on n’y a fait nulle mention des différens clap- pemens de la langue ; lignes indifpenfables qui précédent ou fépa- rent les mots , & fans lefqueîs ils n’ont aucun fens clair & précis. Ces clappemens font de trois efpèces bien diftinûes; le premier que je déligne ainfi (a ) , celui dont on fait le plus d’ufage, le plus fimple, le plus doux, & le plus facile *à exécuter, s’opère en appuyant la langue fur le palais contre les dents incifîves , la bouche étant fermée ; c’elt alors que détachant la langue avec vîtelfe en même temps qu’on ouvre la bouche, ce clappement fe fait fentir; ce n’elt rien autre chofe que ce petit bruit qui nous eft alfez familier, lorfqu’obfédés par un Ennuyeux, nous voulons témoigner, fans parler, qu’il nous impatiente. . Le fécond clappement (v) eft plus fonore que le premier ; il fuffit de détacher la langue du milieu du palais, & d’imiter parfaitement la manière qu’emploie un Ecuyer pour faire partir des •Chevaux ou pour accélérer leur marche ; il ne faut dans ce cas employer aucune force ; mais détacher Amplement la langue, & le fon fe produit de lui-même. Si le fon étoit trop articulé, il ferait alors impolîible ou tout au moins très-difficile de le lier comme il faut avec la première fyllabe du mot qui doit fuivre immédiatement. " G’eft au clappement de la troifième efpèce (a ) qu’il faut donner le plus de force ; il fe prononce avec plus, d’énergie * & fe fait bien entendre ; c’eft celui dont on fait le moins ¿ ’ufage ., & qui femble le plus difficile ; il demande beaucoup de peine & d’attention pour l’adapter, comme il faut , au mot qu’il précède,, attendu qu’il s’exécute par une. contraâion fingulière de la langue qu’011 retire au fond du palais près de la gorge ; on conçoit bien qu’après cette collifion, elle emploie un grand mouvement pour revenir, près des lèvres, articuler les mots qui doivent la fuivre, fans aucun iigne de rêpos & fans interruption. Ces divers clappemens ont encore une modulation différente, & peuvent être plus ou moins difficiles à exécuter , fuivant la lettre ou la fyllabe qu’ils frappent, & avec lefquelles , comme je M dit , il faut qu’ils foient liés pour ne pas faire de contre-fens. C’eft là ce qu’on- peut appeler les tons de force de la langue. ^ Toutes ces différences paroiffent peu praticables & fur-tout bien dures à l’oreille d’un Européen ; telles elles m’ont peut-être paru à moi-même dans les commencemens ; mais on s’y habitue, & je puis affurer que ce langage à la fin , n’eft. pas tout-à-fait dénué d’harmonie, & que , dans la bouche d’une Hottentote , il a fur- tout fes agrémens, comme l’Allemand a les liens dans celle dune aimable Saxonne. Je conçois que fi d’après les vocabulaires qui oiit paru jufquici, on vouloir fe mêler d’étudier cette langue, & de la parler fans être atitrement inftruit de fes principes, on fe perdroit dans des mots vides de fens ; ce ne feroit plus que confufion, que chaos rebutant, où l’imagination fatiguée ne yerroit que du ridicule & de 1 abfurdité. 11 eft à la vérité quelques mots qu’on emploie fans ce clappement ; mais ces exceptions font très-rares. Pour prouver combien les divers fons produits par la langue , font néceffaires à la lignification des mots, & comment ils en déterminent le fens & les divers fynonymes, je vais citer un exemple qui rendra ce principe plus facile a comprendre. Le nom d’un Cheval eft Aâp en Hottentot ; c’eft auffi celui d’une rivière ; il eft encore celui d’une flèche ; la feule différence du clappement de la langue détermine celle de ces divers objets. Naturellement • prononcé fans collifion , ce mot lignifie C h e v a l ; avec le fécond clappement dont j’ai parlé, R i v i è r e ; avec le troifième Fl è c h e , de même a o u i p eft un rocher A -OU i p eft le nom de l’Outarde , a K a i p , celui d’un Serpent v e n im e u x , & a -K-A. i p , du Pafan » efpèce de Gazelle d’Afrique.


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