Page 153

27f 81

donner une idée de la progreffion identique des uns & des autres;; chaque jour la race Hottentote foumife aux Colonies s’éloigne de fon caraélère & de fon origine ; elle s’abâtardit & fe confond par fon mélange des Nègres & des Blancs; fa dégénération s’accélère; elle difparoîtra tout-à-fait. Le tempérament phlegmatique & froid du Hottentot arrête affez déjà les progrès de fa poilérité, tandis que la même caufe chez la femme produit un effet tout contraire, & la rend très-féconde : les Hottentotes obtiennent de leurs maris trois ou quatre enfans tout au plus ; avec les Nègres , elles triplent ce nombre , & plus encore avec les Blancs. Si le Bafter eft d’un naturel méchant, s’il eft hardi, vindicatif, entreprenant, perfide , feroit-ce , hélas ! parce qu’il eft le produit d’un Blanc & d’une Hottentote, & que les enfans tiennent plus du père que de la mère? Cette préfomption , toute affligeante qu’elle foit pour notre efpèce, ne fera pas contredite; s’il arrive , ce qui eft'bien rare, qu’une femme Blanche ait des. privautés avec un Hottentot, le fruit qui en provient a toujours la bonhomie , les. inclinations douces & bienfaifantes de fon père. Ces exemples, je le répète ,. ne font pas fré'quens ; en matière d’amour , au Cap comme en Europe, les femmes montrent plus de réferve, de retenue & de délicateffe que les hommes ; ceux-ci au contraire ne balancent point à fatisfaire leurs fantaifies quel qu’en foit l’objet ; & les. dangers qui en réfultent ne font pas non plus les mêmes pour l’un & pour l’autre fexe ; mais les bâtards des Blancs & des Hottentotes portent au contraire le germe de tous les vices & de tous les, défordres. .. . j* Telles font, en général, les connoiffances que jai acquîtes pat moi-même en vivant avec les Hotténtots : je m’arrête de peur de fatiguer l’attention par ces détails arides, & je n’y reviendrai que lorfque l’occafion d’en parler fans ennui fe préfentera d’elle-même; au milieu de mes courfes & des événemens de mon Voyage. Comme je me propofois de pafler plus d’un jour en Afrique,. mon premier foin fut d’étudier la langue de ces Peuples ; je réuffis dans mort projet au delà de mon défir eette langue, à la: vérité- fort pauvre, n’a; point beibin de mots pour exprimer des idées. abftraltes & trop métaphyiiques; elle n’eft fufceptible d’aucun ornement; mais, pour n’avoir ni fleurs bien élégantes ni fyntaxe bien ex a â e , fes difficultés n’en font pas moins inextricables à qui n’ap- porteroit., dans cette étude , ni goût ni patience. Du refte , j’ai trop reçu 1è prix de mes peines dans cette partie de mes travaux, par toutes les jouiffances que ma procurées le pouvoir de m’entretenir librement avec eux, pour que j’aye à me repentir d’avoir ajouté la connoiffance de cet idiome fingulier, aux diverfes langues dont les préceptes ont fait le principal objet de l’éducation très- févère que j’ai reçue. La langue Hottentote ne reffemble point , comme l’ont écrit plufieurs Auteurs anciens, « au glouffement des Dindons, au bruit » confus que font les Dindes qui fe battent, aux cris d’une Pie, o> aux huées d’un Chat-Huant » ; leurs fons imitent eniore moins le cri des Chauves-Souris, ce qu’ont avancé Pline & Hérodote; il fuffit de comparer entr’elles toutes ces diverfes affimilations pour juger qu’il eft impoffible qu’une langue puiffe reffembler à toutes ces chofes en même temps; il n’eft pas moins faux qu’à entendre les Hotténtots converfer enfemble, on puiffe les prendre pour un peuple de Bègues. De toutes ces affertions qui fe heurtent & fe contredifent, on eft néceffairement conduit à penfer qu’aucun des Voyageurs qui ont parlé du langage Hottentot, n’y a fait une attention affez férieufe pour en donner une idée nette & précife & que , par conféquent, fans que je pénètre les motifs de leur ignorance profonde, ils fe font trompés avec autant de bonne- foi qu’ils nous trompent notis-mêmes. Cette langue , malgré fa fingularité & la difficulté de fa prononciation , n’eft pas fi rebutante qu’elle le . paroît d’abord ; elle «’apprend avec de la perfévérance ; j’ai connu des Colons qui la parloient couramment, & je fuis parvenu moi-même à me foire entendre en peu de temps; elle eft en général très-difficile pour tout Européen;, mais plus encore pour un François que pour un Hollandois , un Allemand, &c. attendu que l’u , l’H & ,1e G ne fe prononcent pas autrement que dans ces deux dernières langues c’eft à dite l’u par l’o u , & les deux autres lettres par des expira- L1 ij


27f 81
To see the actual publication please follow the link above