J’avois annoncé à mon fidèle Klaas qu’il monteroit à Cheval avec moi, & qu’il me ferviroit d’Ecuyer ; il s’étoit lui-même arrangé de fon mieux ; mais jaloux de le faire paroitre avec dif- tinélion , je lui donnai une de' mes vieilles culottes qu’il ne mit pas fans prendre un air de vanité qui annonçoit en même temps le plaifir que lui faifoit ce cadeau & l’importance qu’il recevoit de cette décoration. Tout étant prêt pour le départ, je dépêchai deux de mes Chaf- feurs avec leurs fufils,pour prévenir la Horde de mon arrivée; & bientôt moi-même , après avoir déjeuné, je mis mon poignard à ma boutonnière, une paire de piftolets à ma ceinture, une autre a l’arçon de ma felle avec mon fufil à deux coups, & je montai à Cheval ; Klaas en fit autant ; il portoit ma carabine, & me fui- voit conduifaAt quatre de mes Chiens ; il étoit fuivi, à fon tour, de quatre Chaffeurs qui efcortoient un autre de mes gens chargé de porter une caiïette qui contenoit deux mouchoirs rouges , des anneaux de cuivre, des couteaux, briquets & quelques autres préfens que je voulois faire à la Horde. Amiroo marchoit à notre tê te , pour nous guider dans la route. Nous côtoyâmes d’abord la rivière en la remontant pendant près d’une heure ; après quoi, nous la faifant quitter , Amiroo nous conduiiit entre deux hautes montagnes , dans une gorge étroite dont la longueur & les finuofités n’avoient guères moins de deux lieues. Au bout de ce défilé, revenus à cinq ou fix pas de la rivière, le Pays s’ouvrit devant nous, & de là , me montrant du doigt une petite éminence fur laquelle j’apercevois un Kraal, notre guide m’avertit que c’étoit celui de Haabas ; nous n’en étions qu’à dix portées de fufil; le chemin avoit été plus long que je ne Pavois compté ; nous avions employé trois grandes heures à cette marche. Lorfque je ne me vis plus qu’à deux cents pas de la Horde, je lâchai mes deux coups, & j’en fis faire autant à mes quatre ChaffeUrs ; les deux autres que j’avois envoyés en avant, répondirent à notre falut par leur décharge , & ce fut pour toute la Horde le lignai d’un cri de joie général. Je n’entremêlerai point de réflexions une fcène auffi touchante ; le Leiteur fenlible partage les douces émotions de mon âme, & préfère un récit tout véridique & tout Ample. Je voyois tout le monde fortir des huttes ; & fe raffembler en pelotons ; mais, à mefure que j’approche , les femmes les filles & les enfans difparoiffent, & chacun rentre chez foi ; les hommes reliés feuls ayant leurs Chef à leur tête, viennent à ma rencontre ; mettant alors pied à terre, T a b e , T a b e , Haabas, dis-je au bon veillard en prenant fa main que je preffai dans la mienne. Il répondit à mon falut avec toute l’effulion d’un coeur reconnoiffant & touché de cette marque d’honneur dont il etoit le principal objet. J’effuyai le même cérémonial de la part de tous les hommes , excepté que, fupprimant par refpeél le figne de la main , ils le remplacèrent par celui de la tête de bas en haut ; & qu’en prononçant T a b É , ils accompagnoient ce mot d’un clappement plus fenlible. Chacun en particulier m’examinoit avec la plus grande attention ; jufqu’aux moindres détails de ma toilette , tout frappoit leurs regards ; Haabas lui-même , qui ne m’avoit vu qu’en négligé dans mon camp ou dans mon équipage de chaffe, paroiffoit émerveillé de mes rares ajullemens ; il me fembloit qu’il me montroit une déférence plus marquée , un air plus refpefluenx que par le paffé. J’avois quitté mon Cheval à l’ombre d’un gros arbre , fous lequel on étoit venu me complimenter ; je n’y reliai qüe quelques minutes pour me rafraîchir; je me faifois une fête de contempler cette Horde intéreffante & je m’y rendis efcorté de toute la troupe; à mefure que je paffois devant une dos huttes qui, comme celles des Hottentots , n’ont qu’une ouverture fort baffe, la maî- treffe du logis qui s’étoit d’abord montrée pour me voir venir de loin, fe retiroit auflitôt, de telle forte qu’obligé de me bailler à tous momens pour examiner l’intérieur , c’étoit pour moi un fpec- tacle très-curieux que ces vifages bruns, immobiles & colés pour ainfi dire à la muraille , dans le plus profond de la hutte n’offrant par-tout que des portraits à la Silhouette. J’aurois pu me faire écrire chez toutes ces Dames ; car je n’y avois été reçu par aucune. Cependant elles s’apprivoilèrent peu à peu, & je me vis à la
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